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stipulations sont, en effet, directement contraires aux traités, mais ce n’est guère que par la force, ou par la menace d’en user, qu’on peut aujourd’hui faire respecter les engagemens les plus solennels. L’Angleterre elle-même a dû admettre la sphère d’intérêts allemande du Chan-toung. Aux mois d’août et de septembre on a pu craindre de nouveau qu’elle n’en vînt aux mains avec la Russie à propos de la porte ouverte et de l’affaire du chemin de fer de Shan-haï-Kwan à Newchwang, prolongement au-delà de la Grande Muraille de la voie ferrée de Pékin-Tientsin-Shan-haï-Kwan. La principale banque anglaise d’Extrême-Orient, la Hong-Kong and Shanghaï Banking Corporation, devait la construire pour le gouvernement chinois et l’exploiter en conservant comme gage une première hypothèque sur la ligne. La Russie intervint et s’opposa à ce qu’aucune concession de chemin de fer fût donnée à d’autres qu’à des Russes au nord de la Grande Muraille. Après un moment très difficile, on aboutit à une transaction : la compagnie anglaise garda la concession, mais ne prit hypothèque que sur la ligne déjà construite Pékin-Shan-haï-Kwan, au sud de la Muraille.

Ce sont, on le voit, les questions de chemins de fer qui ont été le plus souvent près de mettre le feu aux poudres. Toutes les puissances ont lutté avec âpreté pour les obtenir et le résultat de cette lutte a été que le Céleste-Empire a dû consentir à la construction de plus de 10000 kilomètres de ces voies de communication qu’il abhorre. Des concessions de mines très étendues ont en outre été données ; si l’on ajoute l’ouverture à la navigation de tous les cours d’eau, au moins dans les provinces où se trouvent des ports de traité, et la remise entre les mains de l’administration européenne des douanes des likins, ou douanes intérieures, de la vallée du Yang-tze, on voit que l’Europe a réussi cette fois, en droit du moins, à enfoncer les portes de la Chine. De grandes conséquences peuvent en résulter.


IV

« Toutes les fois que les os de la Chine sont secoués, — et ils ne l’ont jamais été aussi vigoureusement qu’à présent, — dit une feuille spéciale anglaise, un accroissement du commerce s’ensuit. » Rien n’est plus exact, et pourtant il serait peut-être prudent de ne pas secouer trop violemment, trop longuement, ni trop