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commerce, villes industrielles, syndicats de patrons, offrent aux jeunes gens, leurs études faites, des bourses de voyage ; que l’État songe à établir à l’étranger, dans les places importantes, auprès de ses consuls, des « attachés techniques. » Et ces mesures sont seulement une surabondance, un apport artificiel et minime à la force naturelle et permanente qui pousse hors des frontières les plus précieux observateurs. Le nombre des Allemands qui reçoivent l’éducation commerciale ne laisse pas à tous place dans leur pays, et la supériorité de leur éducation leur assure cette place à l’étranger. Chaque année, une émigration de commis, de comptables, de contre maîtres, d’ingénieurs part pour chercher son pain dans les pays rivaux, et les fils des négocians les plus considérables prennent le même chemin, chassés de chez eux par la faim des riches, le désir d’accroître encore leur fortune. « C’est ainsi qu’à Londres et à New-York, par exemple, la moitié des grandes maisons de commerce sont dans les mains des Allemands[1]. » Ils trouvent aisément à louer leurs services. Dociles, laborieux, sobres, réguliers, contens d’un faible salaire, ils sont les bienvenus. Et tandis qu’ils semblent uniquement occupés à employer leur savoir, ils continuent à s’instruire : détails de fabrication, art de parer la marchandise, petites habiletés, économies infimes, secrets importans, ils examinent, pénètrent, retiennent tout. Les uns, par leurs communications, informent leurs compatriotes de ce que ceux-ci ont intérêt à apprendre, les autres se rendent service à eux-mêmes et reviennent exploiter dans leur propre pays les indiscrétions commises. C’est ainsi que l’Allemagne fait peiner pour elle l’effort des nations rivales, tandis que, moins épiée et plus défiante, elle garde seule le bénéfice de son propre travail.

Après s’être assuré toutes les chances de supériorité, reste à la faire reconnaître. C’est là la moindre tâche pour l’Allemagne. L’exode incessant qui disperse dans le monde entier l’excès de la population germanique, a fondé et accroît partout ses colonies. Si ces colons prennent aisément la nationalité de la contrée où ils s’établissent, ils gardent leurs habitudes, et ces habitudes font une constante propagande en faveur des produits allemands. À ces émissaires généraux de l’influence germanique, s’ajoutent les représentans particuliers que chaque maison importante

  1. A. Ramin, Impressions d’Allemagne, 1898, p. 264.