Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parfaitement justifiée. Aujourd’hui encore, après dix ans écoulés, et tant de discussions, je ne doute pas que le sentiment de la majorité des membres de cette Société savante sur cette question du suc orchidien serait encore la même.

Et cependant, il n’y avait rien que de très naturel dans cette autre observation, si l’on prenait la peine de la traduire dans un langage plus mesuré, et si l’on voulait n’y voir qu’une action excitante exercée par un suc organique sur le système nerveux. Elle ne choque aucune doctrine établie ; elle ne contredit aucun fait ; elle s’accorderait plutôt avec d’autres observations. Déjà en 1878, un chimiste, Schreiner, avait extrait de l’organe orchidien une substance chimique cristallisée, la spermine, voisine de la pipérazine. Or, cette base alcaloïdique d’après un physiologiste russe, M. Poehl, est précisément capable de produire sur l’appareil nerveux une action très analogue à celle que Brown-Séquard attribuait à son liquide.

D’ailleurs le progrès des recherches contemporaines a révélé l’extrême activité des liquides ou des substances de toute espèce qui existent dans les tissus animaux lorsqu’on les fait agir hors de leurs lieu et place. Le règne minéral a eu longtemps le privilège de fournir des médicamens ou des poisons aux êtres animés ; d’autre part, les tissus, les liquides ou les extraits des plantes jouent dans la thérapeutique et la toxicologie le rôle étendu que l’on connaît. L’efficacité et l’infinie variété des produits animaux, lorsqu’on les essaie avant de les soumettre à l’action du feu, ou de les altérer par l’action destructive des sucs digestifs, était dans l’ordre des faits à prévoir. C’est aujourd’hui une vérité positive. La doctrine des auto-intoxications, qui dispute à la doctrine microbienne le vaste domaine de la causalité morbide et l’explication des phénomènes pathologiques, est précisément fondée sur cette puissance toxique des sucs produits par les élémens et tissus de l’organisme animal, leucomaïnes, ptomaïnes, toxines. La médication sérothérapique, grande conquête de la médecine contemporaine, est, dans un autre sens, une démonstration nouvelle de l’énergie qui réside dans ce même ordre d’agens.

Cette énergie, si l’on ne veut l’envisager que dans son résultat final, il faut bien qu’elle aboutisse à un effet ou utile ou nuisible. C’est le cas des a gens minéraux ou végétaux : favorables ou nocifs suivant les circonstances de leur emploi ; médicamens ou poisons, selon la dose. Il y a une raison pénétrante à cette