Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’étais étonné qu’on osât encore l’entretenir de semblables billevesées, aussi ridicules qu’absurdes. Sa Majesté a été de mon avis. Il faut vraiment qu’on ait une bien grande confiance dans notre crédulité pour chercher itérativement à faire luire à nos yeux de pareils fantômes. L’appel des contingens, si l’on devait y procéder, ne serait motivé par rien ; je vous l’ai mandé par le télégraphe, et je vous le répète. Quant aux menées de M. Nigra à Paris, elles n’auront d’autres résultats que de couvrir de confusion ceux qui les inspirent et ceux qui s’y prêtent. Je suis plus en droit que jamais de vous redire, au nom de l’Empereur avec lequel, ce matin même, je me suis entretenu à ce sujet, que notre politique avec la Sardaigne repose entièrement et exclusivement sur le sens littéral du traité, rien au-delà. »

Nous savons le cas qu’on faisait à Turin des recommandations de notre ministre des Affaires étrangères ; on jetait au panier ses notes et ses dépêches. Cette fois, on s’était trompé en méconnaissant ses avis ; ils étaient bien l’expression fidèle et résolue de la pensée de l’Empereur. Le Moniteur, dès le surlendemain 4 mars, le confirmait par un article à sensation qui ne pouvait laisser aucun doute sur les sentimens pacifiques de Napoléon III, et sur son parti pris de ne pas se laisser entraîner contre son gré.

« L’Empereur, disait l’organe officiel, n’a rien à cacher, rien à désavouer, soit dans ses préoccupations, soit dans ses alliances. L’intérêt français domine sa politique, et il justifie sa vigilance… L’Empereur a promis au roi de Sardaigne de le défendre contre tout acte agressif de l’Autriche, il n’a promis rien de plus, et l’on sait qu’il tiendra parole. Sont-ce là des rêves de guerre ? Depuis quand n’est-il plus conforme aux règles de la prudence de prévoir les difficultés plus ou moins prochaines et d’en peser toutes les conséquences ?… N’est-il pas temps de se demander quand finiront ces vagues et absurdes rumeurs, répandues par la presse d’un bout de l’Europe à l’autre, signalant partout à la crédulité publique l’Empereur des Français comme poussant à la guerre et faisant peser sur lui seul la responsabilité des inquiétudes et des arméniens de l’Europe ? Où sont les paroles, les notes diplomatiques, les actes qui impliquent la volonté de provoquer la guerre pour les passions qu’elle satisfait ou pour la gloire qu’elle procure ? Qui a vu les soldats, qui a compté les canons, qui a estimé les approvisionnemens ajoutés avec tant de frais et de hâte à l’état normal et réglementaire du pied de paix en France ? Où