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pénètrent sous un prétexte quelconque. Ces gens sans aveu constituent, avec ceux qui circulent sur des petites voitures attelées de chiens et parcourent sans bruit sur ces légers véhicules des distances considérables, une catégorie de vagabonds particulièrement dangereuse. La nuit venue, on se partage la besogne ; en cas d’alerte, ceux qui opèrent ne rejoignent point la voiture ; en cas de succès, on a prévu l’éventualité d’une perquisition dans la roulotte, et le produit du vol est d’abord dissimulé dans la campagne où il sera repris un peu plus tard ; ou bien encore, dans la maison roulante, couchée sur un grabat dans lequel est recelé le fruit de l’opération, sommeillera une femme apparemment atteinte d’une maladie ou de quelque grave infirmité. Le produit des larcins est centralisé aux mains d’un patron, qui, installé comme marchand en quelque ville, s’occupe de le revendre et subvient aux besoins des pillards. Les vagabonds avec roulotte circulent peu en Suisse : des patentes exorbitantes leur rendent à peu près impossible le séjour en ce pays. Citons encore les colporteurs d’allumettes de contrebande : ils occupent une place importante parmi les criminels insaisissables. Aussi, dans certaines régions fréquentées par les contrebandiers d’allumettes, le nombre des vols est-il considérable.

Nous ne saurions mieux faire, pour achever le tableau que de citer textuellement, afin de ne lui rien enlever de sa saveur, l’opinion d’un vagabond sur ses compagnons de misère, telle qu’il l’a exprimée dans une note qu’il nous a remise : « Le vagabond proprement dit est celui qui, depuis sa plus tendre enfance, s’est vu privé de tout refuge autre que la prison. Son caractère est faible, sa moralité est douteuse ; il est plus ignorant que méchant et l’expression de ses traits reflète tous ses défauts et aussi les quelques qualités qui restent dans son cœur. L’aspect général de ce vagabond est l’insouciance et la résignation. Il est inoffensif au premier chef ; il est quelquefois très intelligent et, dans ce cas, il pourrait se rendre utile si l’on voulait s’intéresser à son malheureux sort.

« Cette première catégorie est fournie : 1° par les enfans moralement abandonnés ; 2° par les enfans libérés des maisons de correction où ils ont reçu de très bons conseils, mais de très mauvais exemples ; et enfin, 3° par la multitude de jeunes campagnards, qui croient faire fortune à Paris ou en toute autre ville et abandonnent la culture pour la ville où ils ne trouvent que la misère. D’où