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juges dans le développement des routes, des postes, des chemins de fer, des télégraphes, de la photographie, de la presse et des connaissances médico-légales. » Et il répond : « Le raisonnement ici ne peut servir à rien, la statistique seule peut répondre. Quand la poudre a été inventée, quel logicien aurait pu prévoir d’avance que les conséquences nécessaires de cette invention favoriseraient l’attaque au détriment de la défense des places et qu’il s’ensuivrait le recul du régime féodal devant la monarchie envahissante ? Maintenant il s’agit de savoir si l’attaque de la société par le crime est plus favorisée que sa défense pénale, et a priori c’est douteux. Mais la réponse des chiffres semble être jusqu’ici assez nette et malheureusement pessimiste. De 1831 à 1895, le nombre des faits délictueux ou criminels dénoncés au Parquet s’étant élevé de 114 000 environ à 509 012, c’est-à-dire ayant plus que quadruplé, le nombre des affaires classées sans suite par le parquet a grandi beaucoup plus vite encore. Il a passé de 31 563, en 1831, à 267 763 en 1895. Et l’on peut voir, par l’affaire Vacher, la gravité fréquente des affaires classées sans suite par les parquets. Quand il a été arrêté, on a découvert une vingtaine d’assassinats horribles qui n’ont même pas été instruits, qui n’ont pu l’être faute de tout indice. Mais détaillons et prenons notre point de départ un peu moins haut. En 1861, le nombre des vols impoursuivis de la sorte était de 30 581 ; graduellement, il est monté à 86 874 en 1895. Celui des escroqueries non poursuivies dans le même laps de temps, en 35 ans a passé du chiffre de 1 070 à celui de 8 395 ; il a deux fois quadruplé pendant que la proportion des non-poursuites pour vol doublait ou triplait. Pour les homicides volontaires, comme tous ou à peu près, quand ils sont dénoncés, sont mis à l’instruction, regardons aux ordonnances rendues par les magistrats instructeurs. Dans la période de 1861 à 1865, le nombre moyen, par an, des ordonnances de non-lieu motivées de ce chef pour cause d’insuffisance de preuves ou d’impuissance à découvrir l’auteur de l’homicide, le fait d’ailleurs étant certain, était de 194. Peu à peu, il a grandi et, en 1895, il était de 471. »

Nous avons dit précédemment que les moyens d’investigation étaient parfois insuffisans. Ainsi pense M. Tarde, lorsqu’il déclare « qu’il n’est pas certain ni probable que le mal signalé et bien réel soit imputable aux progrès scientifiques ou industriels. Il l’est bien plutôt, ajoute-t-il, à l’absence des progrès judiciaires, que l’outillage plus perfectionné du crime rendrait nécessaires, et