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REVUE MUSICALE

DON LORENZO PEROSI

A la fin de l’automne dernier, un Vénitien de nos amis nous envoya ce portrait de l’abatino :

« Don Lorenzo est très jeune, mais en le voyant on le dirait plus jeune encore. Il a l’air simple, jovial et bon. Il faut le voir quand il dirige son orchestre. Il est alors en extase et il prend des poses très pittoresques : la tête penchée d’un côté, les yeux au ciel plus que sur la partitura, les bras grands ouverts. Si l’on croit que tout cela est de la caricature, on en doit rester dégoûté ; mais, si l’on croit que tout cela est naturel (et moi je le crois), on en demeure ravi. Il y a six mois, il me disait qu’il ne savait pas pourquoi on faisait tant de bruit pour sa Trasfigurazione. Je l’avais vu, la dernière fois, au moment du grand succès de cet oratorio. Alors, il n’avait été applaudi qu’à Milan et à Venise, et par un public prévenu en sa faveur. Alors, il était encore l’enfant heureux d’être le maestro de la chapelle de Saint-Marc et le commensal de Son Eminence le cardinal-patriarche de Venise, qui a pour lui une très vive affection. Alors, il était timide, quand il n’était pas dans l’intimité ; alors, il était prêt à écrire un Ave Maria ou un Salve Regina pour le plus médiocre chanteur qui l’en priait, et il l’écrivait sur-le-champ, en présence de son admirateur. Alors, on pouvait emporter de sa chambre les autographes de ses compositions, rien qu’en lui disant : « Je voudrais avoir cela. » (Ne croyez pas que je l’aie fait moi-même ; mais je sais un joueur de cello qui s’est emparé ainsi de l’autographe de la Trasfigurazione.) Alors, tout le monde était enchanté de la bonté du pretino et reconnaissait son génie. A présent,