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symptôme des crises, et les accompagne presque toujours. Nous ne nions pas qu’il ne soit un instrument commode entre les mains d’un gouvernement sans préjugés ; mais il appartient à un autre âge, et il étonne dans celui-ci. Le moindre ministre que le hasard des événemens a porté aux affaires est maître d’en user ou de ne pas en user, de sorte que les associations qui se forment quand même et par la force des choses, en vertu de ce principe de vie qui est dans toutes les sociétés et qui les pousse à développer tous leurs organes, associations de quelque ordre qu’elles soient, littéraires, scientifiques ou autres, restent soumises à une seule loi, celle de la tolérance administrative. Cet état de choses est intolérable. Nous ne prenons pas en ce moment la défense des ligues dont on a tant parlé depuis quelques jours, et dont on parlera encore, puisqu’une apparence de persécution les rend intéressantes. Elles tenaient à une situation que nous aimons à croire passagère, et combien de temps auraient-elles survécu aux circonstances qui les avaient fait naître ? Peut-être encore ne pouvaient-elles pas nous assurer tous les avantages qu’elles poursuivaient. Mais la question est autre aujourd’hui : si elles ont commis des délits, qu’on les poursuive pour ces délits ; mais qu’on ne les poursuive pas et qu’on ne les dissolve pas parce qu’elles étaient composées de plus de vingt personnes. En tout cas, elles nous auront du moins rendu le service d’avoir posé à nouveau la question du droit d’association. Il faut qu’on sache désormais dans quelles conditions il est permis de s’associer pour un but légitime, sans avoir rien à craindre des pouvoirs publics. La loi serait-elle impuissante à déterminer ces conditions ? Quel aveu ! Nous ne croyons pas qu’on le fasse, pas plus d’ailleurs que nous ne croyons à cette impuissance. Un peu de bonne volonté et de loyauté suffirait à la vaincre. Il est temps de tenir une des plus anciennes promesses des républicains et des libéraux, qui a été aussi une des plus négligées.

Quel que soit le résultat des perquisitions pratiquées par la police dans des enclos divers, les observations qui précèdent ne perdront rien de leur valeur. On a fait main basse sur beaucoup de papiers, et tous les journaux ont parlé avec admiration, à en juger par la quantité, du « butin » que les perquisitions ont produit. Il est vrai qu’on a tout enlevé, tout pris sans distinction, sauf à opérer plus tard le triage nécessaire, opération qui sans doute sera longue. Ces saisies servaient d’accompagnement à la discussion dans les deux Chambres de la loi dite de dessaisissement, et peut-être l’énergie déployée par le ministère a-t-elle contribué à lui procurer une majorité de confiance, non pas à