qu’éphémères et artificiels ; vite il reprenait son calme et son sang-froid. Sa lettre au prince Napoléon était à peine partie que, sur une dépêche pressante de Paris, et sur une démarche collective du corps diplomatique accrédité à Turin, au lieu « de tomber les armes à la main, » il adhérait courtoisement au congrès.
Il est vrai qu’il n’avait pas dit son dernier mot ; il tenait en réserve un tour de sa façon qu’il allait jouer avec son incomparable virtuosité. C’est aux sentimens d’équité et de commisération des puissances que cette fois il faisait appel. Environ douze mille réfugiés de toutes les parties de l’Italie se trouvaient, à titre de volontaires, enrôlés sous le drapeau piémontais. Était-il juste et sage de les comprendre dans le désarmement ? Le gouvernement sarde, sans de grands dangers pour sa sécurité intérieure, pouvait-il jeter ces hommes sur le pavé, désespérés et sans ressources ? Ce n’était pas une question politique, mais bien d’humanité, d’ordre public…
Cet appel à la générosité des cabinets semblait la chose la plus simple, la moins provocante : cependant il était formulé avec l’arrière-pensée manifeste de pousser l’Autriche à bout. On estimait qu’il produirait sur elle l’effet du drap rouge agité par le toréador devant le taureau affolé. Il fallait réellement que M. de Cavour eût, dans la puissance militaire de la France, dans la rapidité de sa mobilisation et dans l’invincibilité de ses soldats, une foi absolue, pour jeter ainsi le gant à un adversaire qui, déjà, avait concentré plus de deux cent mille hommes en Italie, et pour braver l’Allemagne prête à se soulever.
Lord Malmesbury avait l’âme sensible et reconnaissante ; il sut gré à M. de Cavour de s’être soumis au désarmement et d’avoir accepté le congrès ; il se laissa attendrir sur le sort des volontaires ; avec candeur, il les recommanda instamment à la sollicitude de l’Autriche, sans se douter que cette nouvelle prétention du gouvernement sarde ferait sauter aux quatre vents l’échafaudage laborieux de sa diplomatie. Le cabinet de Vienne était à bout de patience ; il céda à la passion, au lieu d’écouter la raison. Le 18, à l’heure où la cause de la paix semblait enfin triompher, la guerre était secrètement arrêtée dans les conseils de François-Joseph. L’archiduc Albert, en mission à Berlin, reçut l’ordre de faire part au gouvernement du Régent des résolutions qui venaient d’être prises. On ne doutait pas de l’assistance de la Confédération germanique ; on tenait pour certain, d’après les