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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/623

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comme en 1849 ; il exigeait néanmoins des garanties écrites en échange d’une assistance problématique que nous devions escompter au prix de notre or et de nos soldats.

Le Prince trouva sans doute ces prétentions exagérées, cari il ne les discuta pas. D’après lui, une déclaration verbale de l’Empereur, disant que l’indépendance de la Hongrie lui tenait à cœur, devait largement suffire. « Nous serions certainement rassurés par cette déclaration, dit Kossuth, mais personne ne peut prévoir le cours des événemens, et il nous faut des garanties. — Et quelles sont ces garanties ? répliqua le Prince impatienté. — Le drapeau français avec une armée française sur le sol hongrois, un manifeste de l’Empereur proclamant la Hongrie indépendante, alliée de la France et du Piémont. Si ces garanties nous étaient données, des centaines de mille combattans répondraient à mon appel, et je prendrais la direction du mouvement avec l’assistance d’un comité.

— Pas de comités, interrompit le Prince ; nous tenons à être prémunis contre les indiscrétions. »

Restait une dernière question à élucider, la plus délicate il est vrai, celle de l’assistance matérielle, autrement dit des subsides. « Il nous faut de l’argent, disait Kossuth ; nous sommes de pauvres proscrits sans crédit. Nous devons recourir à la générosité de l’Empereur afin de pourvoira l’organisation d’une armée ; mais, n’en doutez pas, ses avances seront considérées comme une dette nationale. »

Le Prince répondit qu’il en référerait à son cousin et demanderait même une audience pour permettre à Kossuth d’exposer à Sa Majesté son plan et ses vœux ; il ajouta que l’Empereur sans doute le recevrait dans la soirée. Kossuth courut aussitôt rue Saint-Dominique, à l’hôtel du colonel de Kiss, où l’attendaient impatiemment toutes les notabilités de l’émigration. Il s’empressa de satisfaire leur fiévreuse curiosité en leur racontant par le menu tout ce qu’il avait dit et entendu. Le Prince avait bien raison de se méfier des comités ; il eût mieux fait encore en ne correspondant pas avec celui qui s’offrait à les présider.

Le même soir, à onze heures, l’ancien dictateur pénétra par une porte dérobée, introduit par le prince Napoléon, dans le cabinet impérial. Après quelques phrases bienveillantes, l’Empereur lui dit qu’il serait heureux de pouvoir réaliser ses vœux, mais qu’en politique, tout dépendait des circonstances.