« Quelle absurdité, par exemple, d’entendre un philosophe exclure du domaine de la pensée tous les grands hommes religieux, saint Paul et les Pères de l’Eglise, d’adorer en quelque sorte ces grands hommes à titre de saints et de martyrs, et de les proscrire à titre de penseurs, et d’avoir, à partir de leur révélation, et comme en cachette, un ordre de pensées tout à fait distinct sous le nom de philosophie !… » Ainsi les uns les trouvent trop grands pour être philosophes, et les autres trop petits. Cette séparation, à la vérité, venait de Descartes. Mais les temps avaient changé. Le XVIIIe siècle avait fait son œuvre ; c’était donc une école étroite et incomplète que celle qui pouvait encore aujourd’hui prendre pour drapeau la séparation de la religion et de la philosophie ; 2° le second point, qui est le corollaire du premier, c’est que la philosophie doit devenir une religion ; car l’humanité sans les religions, c’est la dissolution, c’est le néant, c’est la mort ; 3° le troisième point, c’est que la philosophie doit arriver comme la religion à une formule trinitaire. Cette formule est celle-ci : l’homme est à la fois sensation — sentiment — connaissance — indivisiblement unies. La philosophie nouvelle doit donc être une philosophie de la Trinité.
De ces trois propositions, Pierre Leroux concluait que la philosophie ne doit pas être seulement une métaphysique, mais une morale et une politique. Cette critique était précisément en sens inverse de ce qu’on a reproché plus tard à l’éclectisme, à savoir d’avoir été une morale et une politique beaucoup plus qu’une métaphysique.
Telles sont les vues préliminaires contenues dans la Préface de notre livre. Passons à l’ouvrage lui-même.
La première partie de la Réfutation a, comme la préface, un caractère de généralité, elle se compose de propositions qui paraissent être plutôt des points de doctrine que des objections. Au reste, ce qui nous importe surtout ici, c’est de connaître la philosophie de Pierre Leroux en elle-même, plutôt que ses critiques de M. Cousin. De Cousin, nous en avons dit assez ailleurs, plus peut-être qu’il n’est nécessaire : ce qui nous intéresse ici surtout chez Pierre Leroux, c’est plutôt sa pensée propre que les erreurs de ses adversaires. Voici quelques-unes de ces propositions.
1° Le philosophe part toujours du point où en est la science ; il ne laisse jamais la science au point où elle était avant qu’il parût. » Cette proposition a pour objet de mettre en lumière la