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comme objection, la proposition en elle-même n’en est pas moins vraie ; car c’est une des grandes vérités philosophiques que la physique a pour objet ce qui est hors de nous, et la philosophie, au contraire, ce qui regarde le moi, l’esprit, la vie intérieure. Jusqu’à quel point peut-on dire qu’il y a une méthode commune entre les deux sciences ? et la méthode d’observation, pour être intérieure, n’en est-elle pas moins une méthode d’observation ? C’est une question ; mais il nous paraît incontestable que la philosophie a pour objet l’esprit, tandis que la physique a pour objet le monde et la matière. Que les éclectiques aient ignoré cette distinction, c’est ce qui paraît difficile à soutenir ; car on les a surtout accusés du contraire. Mais que Pierre Leroux ait raison d’insister sur le caractère subjectif et général de la philosophie, c’est ce que nous sommes les premiers à reconnaître.

Il y a d’ailleurs beaucoup de vrai dans cette assertion, que la méthode dérive de la philosophie autant que la philosophie de la méthode. C’est en concevant sa philosophie que Descartes a conçu sa méthode. Son cogito est à la fois le produit et la cause du doute méthodique.

Ce que Pierre Leroux reproche surtout à la philosophie de Cousin, c’est de manquer de sensibilité. Il a oublié que « les grandes pensées venaient du cœur. » Le sublime de la philosophie c’est de mourir pour le salut des autres : un Socrate, un Jésus ! On a vu au contraire, depuis lors, M. Taine réagissant à son tour contre l’éclectisme, et disant que ce qui caractérise le vrai philosophe, c’est « le mépris des argumens du cœur ! » Ainsi vont les polémiques d’un extrême à l’autre, selon les besoins des temps.

Passons à la critique de la psychologie. « La psychologie, dit Pierre Leroux, est à la philosophie ce que l’anatomie est à la physiologie et à la médecine. » Elle est, suivant l’expression de Victor Cousin lui-même, « le vestibule de la philosophie. » Mais la psychologie écossaise, à laquelle Cousin et Jouffroy se sont réduits en excluant la considération des corps et en ne s’aidant pas des sciences naturelles, a étouffé la vraie science de l’esprit. La vraie méthode philosophique implique l’emploi de toutes les facultés, sans en excepter le sentiment, et même l’inspiration propre du philosophe. Au-delà de cette psychologie purement extérieure qui ressemble à l’anatomie, il y a une psychologie plus profonde qui ressemble à la physiologie, et qui étudie l’âme vivante, opérante, agissante. On pourrait dire, pour donner plus de précision