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toute l’année qui s’écoula depuis l’arrivée de la Princesse en France jusqu’à son mariage. Un nouveau règlement devenait nécessaire. Louis XIV décida que le duc de Bourgogne serait autorisé à voir sa femme tous les jours, et qu’on les laisserait même causer ensemble, mais que quelques-unes des dames seraient toujours présentes dans la chambre. De même qu’avant le mariage, il y aurait toilette chez la duchesse de Bourgogne tous les mardis et vendredis. Quant aux soirées, la jeune princesse devait continuer de les passer presque toutes chez Mme de Maintenon, pour y rencontrer le Roi. Cependant le duc de Bourgogne était autorisé à souper souvent avec elle, Mme de Maintenon toujours en tiers[1].

Dans l’emploi des journées de la Princesse, quelques rares momens demeuraient consacrés à son éducation, entre autres à des leçons d’écriture et d’orthographe dont elle avait encore grand besoin. Elle se reprochait même, dans une lettre à sa grand’mère Madame Royale, « la honte d’une femme mariée qui avoit besoin d’un maistre pour une chose aussi commune. » Ce n’était pas la bonne duchesse du Lude qui aurait pu lui en remontrer sur ce point, car les quelques lettres d’elle qui ont été conservées aux Affaires étrangères dépassent en fantaisies orthographiques celles de la duchesse de Bourgogne elle-même. Tout autre et beaucoup plus délicate était la tâche de la respectable dame d’honneur. Il s’agissait d’empêcher les entrevues furtives entre les deux jeunes époux. Dans ce rôle ingrat, elle aurait eu fort à faire, à en croire du moins les Lettres Galantes de la malicieuse Mme Dunoyer. « M. le duc de Bourgogne, disent ces lettres, lâche de tromper la vigilance de Mme du Lude, et la petite princesse est portée de fort bonne volonté pour cela. Il y a quelque temps qu’avec l’aide d’une femme de chambre, Monsieur le duc de Bourgogne trouva le secret de se cacher dans la chambre de sa femme, et de se mettre dans son lit lorsqu’il crut que Mme du Lude était endormie ; mais cette dame, qui couche dans la même chambre, s’éveilla fort mal à propos, et obligea le Prince à rentrer chez lui. Le lendemain, elle fut, dès le matin, faire ses plaintes au Roi là-dessus, et le Roi dit fort sèchement à Monsieur le duc de Bourgogne : « J’ai appris, Monsieur, qu’il s’était passé des choses qui pourroient nuire à votre santé. Je vous prie que cela n’arrive plus[2]. »

  1. Saint-Simon. Édit. Boislisle, t. IV, p. 317 ; Dangeau, t. VI, p. 242, 244.
  2. Lettres historiques et galantes, t. I, p. 239.