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prendre. Elle ne voulut pas faire le coup de poing, et, passant devant la duchesse de Bourgogne, à qui elle ne manqua pas de faire la révérence, elle alla se ranger du côté des duchesses. La duchesse de Bourgogne n’osa rien dire, de sorte qu’en apparence l’avantage resta à la princesse lorraine. Mais elle sentit vivement l’insolence et porta plainte au Roi. Le duc de Rohan en fit autant. Le Roi lui donna pleinement raison, et après avoir fait une rude sortie à la princesse d’Harcourt, il lui imposa de faire des excuses publiques à la duchesse de Rohan. Ce ne fut pas tout. A quelques jours de là, il y eut chez la duchesse de Bourgogne un nouveau cercle où les duchesses occupèrent la droite, les princesses lorraines la gauche, mêlées entre elles et non point par rang d’aînesse, comme elles avaient eu quelque temps la prétention de le faire, en imitation des princesses du sang. Le Roi vint à la fin du cercle, le considéra de tous les côtés, et dit tout haut « que ce cercle était fort bien arrangé comme cela. » Le maître avait parlé, et les choses rentrèrent dans l’ordre.


II

La duchesse de Bourgogne aurait été en droit de trouver que son nouveau genre de vie ajoutait peu à ses plaisirs, si elle n’avait dû au rang qu’elle occupait depuis son mariage d’autres privilèges que de tenir un cercle et de donner audience aux ambassadeurs. Mais, peu à peu, ceux qui continuaient à avoir la haute main sur son existence quotidienne la laissaient s’initier à ces divertissemens de la Cour dont, jusqu’alors, elle avait été tenue soigneusement à l’écart. Jamais, durant l’année qui sépara son arrivée en France de son mariage, on ne l’avait laissée assister ni à la comédie ni au bal. Pour lui enlever tout regret, le Roi avait même sévèrement défendu qu’on en parlât devant elle. Il n’était pas possible de maintenir indéfiniment cette interdiction. Cependant on tarda encore quelques mois, et ce ne fut pas avant le mois de novembre 1698, qu’on lui permit, ainsi qu’au duc de Bourgogne et aux deux jeunes princes ses frères, d’assister pour la première fois à la Comédie. On jouait le Bourgeois gentilhomme. « Le Duc de Bourgogne, écrivait Madame à la duchesse de Hanovre, en perdit totalement sa gravité. Il riait à en avoir les larmes aux yeux. Le Duc d’Anjou était si heureux qu’il restait la bouche bée, comme en extase, regardant la scène. Le