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plus ancien, si les écoles catholiques ont 26000 élèves, les écoles protestantes en comptent 12 000.


En Asie Mineure, la même richesse du sol, les mêmes dispositions des habitans, le même zèle des catholiques, la même habileté scolaire des protestans ont produit des résultats semblables. Mais, là, le caractère particulier et la grande force de la propagande évangélique a été son alliance politique avec une des races indigènes. La race arménienne occupe par sa masse compacte le centre montagneux du pays : de là, comme les eaux qui fondent d’un glacier, elle glisse le long de tous les versans jusqu’au littoral, et porte ses migrations où elle trouve une issue à ses multiples facultés. Les Arméniens, qui comptent dans l’empire turc un million et demi, hors l’empire deux millions de coreligionnaires, ont transmis à notre temps une hérésie du Ve siècle : disciples d’Eutychès, ils n’ont de foi commune qu’avec les Coptes et les Abyssins ; et, sauf une centaine de mille qui sont catholiques et, à ce titre, cliens de la France, ils se trouvaient sans liens de sang ni de cœur avec personne. Les sociétés américaines s’établirent en Arménie après la guerre de 1854. Elles ne se contentèrent pas d’y transporter la méthode qui réussissait ailleurs, el de former des pasteurs et des maîtres arméniens, pour l’apostolat de l’Arménie. Elles avaient compris que, par la supériorité de son intelligence, cette race était capable de les seconder, même hors de son pays, et que ce levain serait le plus actif pour soulever dans tout l’Orient la pâte lourde des autres races. Il fallait gagner les Arméniens. Ils voulaient redevenir un peuple libre, tout au moins échapper à l’arbitraire turc. Quels hommes, plus que les fils de la démocratie et la république américaines, étaient naturellement hostiles à la servitude ? Quelles idées, à l’égal de leur propre doctrine sur les droits du citoyen et du peuple, pouvaient conquérir la nation arménienne ? Le patriotisme amena les premiers disciples à ces maîtres, généreux des paroles qu’il aimait. Et, dans les écoles ouvertes par ces disciples, le peuple apprit l’anglais comme la langue de l’indépendance arménienne. Les enfans des familles les plus considérables avaient coutume de chercher en Europe, surtout à Paris, une éducation plus complète : les conseils de maîtres américains poussèrent cette élite vers Londres. Que ces Arméniens allassent se faire charger d’idées explosives en Angleterre et revinssent éclater en Turquie,