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lorsqu’il devient très énergique, perd un peu de sa portée éventuelle et ne produit peut-être pas à Pékin tout l’effet désirable. Mais le gouvernement anglais redoute par-dessus tout le recours à la force, et il a instamment prié le gouvernement italien de ne pas en venir là, en l’assurant que la moindre étincelle déchaînerait un immense incendie. C’est ce que l’amiral Canevaro a rapporté au parlement. L’équilibre des ambitions européennes est, lui a-t-on dit, si instable en Extrême-Orient qu’il faudrait fort peu de chose pour le renverser, et alors tout pourrait arriver.

Il semble que le gouvernement anglais ait ouvert à l’amiral Canevaro un horizon bien sombre, et qu’il l’ait quelque peu surchargé de nuages. Dieu nous garde de conseiller à nos voisins de s’engager dans une aventure ! Mais enfin, si les Allemands avaient éprouvé les scrupules qu’on inspire à l’Italie, ils ne seraient pas à Kiao-tchéou. On sait comment ils s’y sont installés, montrant par-là le peu de foi qu’ils avaient dans l’efficacité des procédés purement diplomatiques. Qu’est-il arrivé depuis, et qu’arrive-t-il encore ces jours-ci ? Sauf la France, qui est satisfaite de son lot indo-chinois, presque toutes les autres puissances sont continuellement occupées à augmenter l’étendue ou l’importance du leur. On annonçait tout récemment que l’Angleterre demandait une extension nouvelle du territoire qui vient de lui être concédé à Hong-kong. Quant aux Allemands, ils se montrent peu rassurés, et non d’ailleurs sans quelques bons motifs, sur ce qui se passe dans le voisinage de leur colonie : il s’y passe en effet des actes de violence et de brutalité, comme il s’en passe d’ailleurs dans le reste de la Chine, et c’est par-là que la Chine périra. Que font les Allemands ? Ils n’hésitent pas à se substituer au gouvernement chinois pour faire la police dans les territoires à leur portée, ce qui est pour eux une occasion d’y préparer un établissement prochain. S’il ne fallait vraiment qu’une étincelle égarée pour mettre le feu au vieux continent, les Allemands et les Anglais eux-mêmes seraient bien impru-dens ! Mais on se rassure à Londres en recommandant la prudence à l’Italie, qui ne manque pas de l’observer, car, dit l’amiral Canevaro, a les procédés violens pourraient nuire beaucoup aux intérêts de l’Angleterre, notre cordiale amie, et qui se montre telle. » Nous espérons que cette confiance ne sera pas trompée, et que les moyens diplomatiques employés par l’Italie et soutenus diplomatiquement par l’Angleterre amèneront la Chine à composition. Au point où en est celle-ci, il doit lui importer assez peu de conserver la baie de Sam-moun et le territoire adjacent, d’autant plus que, si ce n’est pas l’Italie,