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qui ont réussi dans tes flancs[1] ! » — « La République est fille du Grand Orient, » disaient M. Poulie en 1894 et M. Desmons en 1895[2]. « Franc-maçonnerie et République sont précisément la même chose, » répétait {{M.|Lucipia[3]. Devenue majeure, la République avait paru consentir que l’« esprit nouveau » ratifiât sa majorité par une émancipation : c’est l’heure que le Grand Orient choisissait pour affirmer ses droits de paternité et pour proclamer ouvertement son intention de les faire valoir, jusqu’à épuisement, sur le terrain politique. « Dans l’ancien temps, expliquait en 1895 M. Rousselle, ancien président du Conseil municipal de Paris, on disait : En maçonnerie, il ne faut pas faire de politique. Eh bien ! ne faisons pas de politique si vous voulez, mais faisons de l’action ; changeons le mot pour conserver la chose ; faisons de la politique sous une autre forme, mais faisons de la politique, c’est le seul moyen que la maçonnerie puisse vivre[4]. »

L’avenir, sans doute, pourra diviser l’histoire de la troisième République en deux périodes, entre lesquelles l’année 1894 marque à peu près la transition. Avant cette date, la maçonnerie « fit de la politique » en prétendant souvent, par « formalisme, » qu’elle n’en faisait point[5] ; elle en fit encore, après cette date, en alléguant qu’elle « faisait de l’action. » — « C’est la maçonnerie, disait M. Hubbard au convent de 1897, qui a fait passer dans la législation de la troisième République les lois militaires et scolaires[6] ; » on en aurait en effet la preuve en étudiant, à vingt années en arrière, les comptes rendus des convens ; nous n’insisterons point, l’élaboration de ces lois appartenant déjà, ou peu s’en faut, à l’histoire ancienne. Ce qui marque l’attitude de la maçonnerie dans cette première période, c’est qu’elle ne se mêle point, ouvertement, publiquement, aux modifications ministérielles. Maîtresse et gardienne de la philosophie républicaine,

  1. B. G. O., août-sept. 1888, p. 576.
  2. B. G. O., août-sept. 1894, p. 401, et août-sept. 1895, p. 369.
  3. }} B. G. O., décemb. 1895, p. 467.
  4. B. G. O., août-sept. 1895, p. 380.
  5. Comparer, au convent de 1886, cette curieuse déclaration de M. Gonnard : « Il fut un moment, non pas de règle, mais de formalisme, de déclarer que la Maç. ne s’occupait ni de religion ni de politique. Était-ce de l’hypocrisie : je ne le dirais pas. C’était sous l’impression des lois et de la police que nous étions obligés de dissimuler ce que nous tous avons mission de faire ou plutôt de faire uniquement. » (B. G. O., sept. 1886, p. 545.
  6. C. R. G. O., 20-25 sept. 1897, p. 289.