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État doit pénétrer au milieu de nous. Vous devez diminuer le prix d’entrée pour les ouvriers[1]. » Cette invite fut laissée sans réponse; mais la question reviendra, plus pressante : idées et clientèles se créent réciproquement, et l’évolution socialiste de la maçonnerie doit exercer quelque influence sur son recrutement.

« Tous nous sommes amoureux de galons, déclarait encore M. Foveau de Courmelle; nous voulons tous être quelque chose, et alors nous multiplions les loges et nous arrivons à avoir, à nos tenues, un nombre infime de membres[2]. » M. Blatin se fâcha, déclara que ce n’était pas la question ; mais le renseignement subsiste; et sans doute il suffit, pour le corroborer, de constater qu’en cas de referendum sur la modification d’un article de la constitution, les abstentions ou les réponses ambiguës des loges sont parfois assez nombreuses, et de recueillir, aussi, une observation de M. Poulie, commandeur du Grand Collège des Rites, constatant, en 1894, que, dans les loges qu’il visitait, les collections du Bulletin du Grand Orient n’étaient pas coupées[3]. Il serait donc imprudent, sinon naïf, d’admettre, entre les loges et le Grand Orient, je ne sais quelle coopération assidue; et le Grand Orient ne s’en plaint peut-être pas; l’émiettement des loges, la demi-ignorance où certaines s’attardent ne sont-elles pas des conditions excellentes pour assurer l’hégémonie d’un pouvoir central ? Toute loge, si médiocre soit-elle, garde avec le Grand Orient deux liens indissolubles : d’une part, elle doit annuellement payer un impôt, qui s’élève, en 1899, à 4 fr. 50 par tête de maçon[4] ; d’autre part elle doit chaque année, sauf excuse légitime, envoyer au grand convent de septembre, assemblée générale de la fédération maçonnique, un délégué. Joignez-y que le Vénérable peut, à son gré, adresser au Conseil de l’ordre des communications appelées « planches, » dont la plupart sont mentionnées, en termes clairs ou volontairement équivoques, dans les comptes rendus du Grand Orient. Les délégués des loges jouent ainsi le rôle de pouvoir législatif; le Conseil de l’Ordre, renouvelable par tiers et dont les membres sont élus pour trois ans par ces mêmes délégués,

  1. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 285.
  2. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 156.
  3. B. G. O., août-sept. 1894, p. 175.
  4. Rapport du Conseil de l’ordre sur l’exercice 1897 et projet de budget pour 1899, p. 19. — Jusqu’en 1879, grandes et petites loges payaient le même chiffre d’impôts; c’est depuis 1879 qu’on tient compte du nombre des membres. (Voir B. G. O., octobre 1879, p. 258 et suiv.)