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que jamais homme n’aura joué un rôle aussi plat que M. de Talleyrand.

L’époux de la célèbre miss Burney, auteur de Cécilia et D’Evelina, vient de donner une preuve de désintéressement et de loyauté. Il servait autrefois dans l’artillerie; revenu en France avec sa femme et sans fortune (tous les deux), il a désiré rentrer au service et l’a obtenu. On lui rendait son ancien grade; mais, en le recevant, il a voulu faire ses conditions et stipuler qu’on ne l’emploierait jamais contre l’Angleterre, contre le pays où il a choisi son épouse et où il a joui de la plus généreuse hospitalité ; cette condition n’a point été acceptée et ne pouvait l’être. M. d’Arblay est resté sans place ; il avait eu tort peut-être de solliciter, mais la reconnaissance qu’il a montrée, et qui est si rare aujourd’hui, doit lui faire le plus grand honneur.

Pendant que les classes supérieures de la société, que les amateurs et les artistes s’empressaient à Londres à rendre leurs hommages à Mme Récamier, le peuple s’était fait une singulière idée de cette femme ; un émigré qui a demeuré plusieurs années à Londres, étant allé y passer quelques jours, rendit visite à un de ses amis et fut reçu par une vieille gouvernante anglaise qui lui demanda quelle nouvelle il apportait de Paris. « Aucune, répondit-il. — Ah! ah! dit la vieille bonne, vous ne me parlez pas de Mme Récamier; il faut avouer que vos marchands sont bien habiles; ils nous envoient une marchande de modes déguisée; ils lui payent des frais de voyage énormes pour mettre en vogue parmi nous leurs modes et leurs chiffons, mais nous n’y serons pas longtemps attrapées… » La méprise est assez plaisante. On pourrait demander cependant qui s’est mépris davantage sur le compte de Mme Récamier, ou de cette pauvre gouvernante, ou des dames anglaises qui ont fait la cour à la femme d’un ci-devant chapelier de Lyon.


Paris, le 4 septembre 1802.

Ce qui se confirme et se renouvelle tous les jours, c’est la manière tyrannique dont le gouvernement s’empare des maisons des Parisiens pour les démolir et donner du jour au château des Tuileries. Pour donner une idée de cette manière, nous allons raconter ce qui est arrivé au marquis de Saint-Germain. Il possédait une maison dans la rue Saint-Nicaise ; cette maison fut ébranlée par l’explosion du 3 nivôse, mais il ne s’empressa pas