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il faudra agir en hâte, aucune précipitation ne pourra remplacer le temps perdu. Vous y laisserez votre portefeuille, je vous le prédis. »

Le Prince avait prédit juste. Quand la guerre fut déclarée, nous n’étions pas prêts, et le maréchal Vaillant fut accusé de négligence et d’incapacité, même pour des retards qui n’étaient pas les siens. Par exemple, on lui avait mainte fois refusé l’autorisation de faire rejoindre les soldats en congé renouvelable; tout à coup l’Empereur témoigne, en termes plus vifs qu’à son habitude, son étonnement que cette mesure n’ait pas été prise. Vaillant se rebiffe et l’Empereur s’adoucit. Mais les mêmes scènes se renouvelèrent à propos d’autres dispositions urgentes qui n’avaient été ajournées aussi que par ordre du souverain.

On a été jusqu’à dire que les hommes, les chevaux, le matériel, manquaient[1] : c’est excessif. Comptant encore dans ses rangs un certain nombre de soldats de Crimée, complétée par des réservistes que cette guerre avait déjà fait passer sous les drapeaux, notre infanterie présentait un effectif de paix qui permettait de fournir vite les divisions actives de l’armée d’Italie, sauf à remplir les vides causés par ces prélèvemens dans les corps restés en France. Les effectifs de paix de la cavalerie suffisaient, au début, à une armée destinée à opérer dans un pays très accidenté, coupé de cours d’eau, couvert de cultures à hautes tiges. Le personnel de l’artillerie serait facilement complété par les réservistes et quelques fractions d’infanterie ou de cavalerie ; du côté des chevaux, le déficit, au contraire, était sérieux. Les approvisionnemens en munitions étaient assurés, le matériel des équipages de pont disponible.

En ce qui concerne l’armement, la situation était critique. Notre fusil était le fusil de gros calibre de l’ancienne monarchie, de la première république, du premier empire, des guerres d’Afrique, avec deux perfectionnemens : le système à percussion, substitué en 1842 au système à silex, c’est-à-dire la capsule à la pierre à fusil; en 1857 et 1858, l’âme de l’arme rayée et munie d’une balle cylindro-ogivale. L’augmentation déportée et de justesse ainsi obtenue n’aurait acquis toute sa valeur que par l’adaptation d’une hausse variable, permettant d’utiliser l’arme aux différentes distances de sa portée efficace. Le comité d’artillerie s’y

  1. Ordre du jour de l’Empereur à Milan, 8 juin 1859.