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en attendant le succès foudroyant du procédé national, a envoyé un délégué pour étudier le procédé encore boiteux qui fait l’admiration de la vieille Europe.

Le moment est propice pour une révolution de ce genre. Le système actuel de télégraphie électrique n’est pas indéfiniment perfectible; il semble, dès à présent, parvenu au point de perfection qu’il comporte et qu’il ne saurait dépasser. Les remaniemens qu’on lui fera encore subir ne semblent pas susceptibles de produire des résultats beaucoup supérieurs à ceux de l’appareil Baudot, qui permet d’envoyer six dépêches à la fois sur le même fil.

Il n’y avait plus de grandes améliorations à attendre, à moins de renouveler le principe de la transmission. Et c’est ce qu’a fait la télégraphie sans fil. Elle substitue l’onde électrique au courant électrique. Le courant électrique, si subtil qu’il soit, est un agent asservi à la matière, il a besoin d’être guidé et soutenu par un conducteur métallique ; il y progresse de proche en proche sans le pouvoir quitter. Il le parcourt sans doute avec une vitesse prodigieuse ; néanmoins il n’a pas toute la liberté de mouvement que l’on peut imaginer et que possède, par exemple, la lumière, l’onde lumineuse.

Au contraire l’onde électrique est une forme plus souple de l’agent électrique. Elle participe à la fois de la nature de l’électricité et de la nature de la lumière. Disons mieux, c’est à la fois de l’électricité, et objectivement parlant, c’est aussi de la lumière : sauf la propriété d’agir sur l’œil, elle possède tous les caractères de celle-ci, au degré près. L’onde hertzienne se propage sans conducteur, comme le rayon lumineux ; elle se réfléchit et se réfracte, comme lui ; elle traverse les obstacles, sauf lorsqu’ils sont de nature métallique; et, par exemple, elle franchit les murs, les vitrages, les tentures. Mais, en ce faisant, elle s’affaiblit rapidement. MM. Edouard Branly et G. Le Bon ont bien constaté et mesuré cet amortissement progressif et rapide de l’ondulation électrique par les matériaux interposés. Elle est, à quelque degré comparable, à cet égard, à la vibration sonore qui s’entend à travers un écran, une cloison, des murs plus ou moins épais; mais qui s’éteint bientôt.

C’est précisément pour éviter ou réduire le plus possible l’effet destructeur des obstacles que l’on dresse, dans la pratique de la télégraphie sans fil, ces mâts élevés du sommet desquels s’échappent les ondes que n’arrêteront point les maisons, les arbres, les écrans divers. C’est encore pourquoi les expériences sont plus faciles et ont toujours mieux réussi sur les vastes espaces entièrement nus de la mer. L’élévation