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et le problème qui a été résolu dans d’autres pays ne le pourrait-il pas être chez nous ? Il y a longtemps qu’on en parle : il y a longtemps aussi que les Chambres n’ont pas été saisies d’un projet sérieusement préparé et présenté de bonne foi. Nous souhaitons qu’elles le soient sans plus de retard. Les poursuites que le gouvernement vient d’exercer contre certaines Ligues, à l’exclusion de certaines autres, sont la meilleure préface qu’il pouvait donner à la loi.


Depuis le commencement de l’année, les regards de l’Europe ont dû se tourner du côté de Samoa. Ces petites îles de l’Archipel polynésien font assez rarement parler d’elles : cependant il en a été déjà question, il y a dix ou onze ans, à l’occasion d’un conflit armé qui s’était élevé entre deux prétendans au trône, et qui, après s’être dénoué sur place par le succès d’un des rivaux, a eu pour contre-coup une convention signée à Berlin, le 14 juin 1889, entre l’Allemagne, l’Angleterre et les États-Unis. C’est dire que, derrière les deux chefs de bande qui se disputaient cette modeste couronne, s’agitaient d’autres intérêts que les leurs. Les États-Unis, à cette époque, n’avaient pas encore une politique aussi active que celle qu’ils ont adoptée depuis quelque temps ; leur attitude était plutôt empreinte de réserve ; mais il n’en était de même ni de celle de l’Angleterre, ni de celle de l’Allemagne. Dès ce moment, ces deux très grandes puissances se disputaient la prééminence dans ce très petit pays. À dire vrai, leurs intérêts n’y étaient pas bien considérables, et ils ne le sont pas encore aujourd’hui. M. de Bulow exposait, l’autre jour, au Reichstag que le commerce total des îles Samoa s’élevait environ à 3 millions de marks. La plus grande partie de ce commerce est faite par les Allemands, le reste par les Anglais et par les Américains. Les intérêts matériels des trois puissances sont donc médiocres; leurs intérêts politiques n’ont pas une importance beaucoup plus considérable ; et pourtant, il s’en est fallu de peu que les iles Samoa ne devinssent entre elles une pomme de discorde, propre à faire naître d’assez graves conflits. Les journaux ont même parlé de guerre. La guerre pour les îles Samoa! L’histoire aurait eu peine à comprendre qu’une cause aussi minuscule eût pu produire un aussi grand effet. L’humanité en aurait été révoltée. Aussi ne croyons-nous pas qu’un pareil danger ait jamais existé : on était sans doute résolu, de part et d’autre, à ne pas pousser les choses jusque-là. Mais ce serait une erreur de penser qu’on ne fait la guerre que lorsqu’on le veut bien. Les circonstances sont quelquefois plus fortes que les volontés, surtout lorsqu’on ne