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de mauvaise grâce aux caprices d’une jeune épouse. Durant ce brillant carnaval de 1700 dont nous avons parlé, nous le voyons mener à peu près la même vie que la duchesse de Bourgogne et figurer dans les mêmes mascarades. Quand, dans une noce de village, elle faisait la mariée, il était le marié. Quand, dans une entrée figurant les quatre rois et les quatre reines d’un jeu de cartes, elle représentait l’une des reines, c’était lui qui représentait l’un des rois. Il ne paraît avoir rien fait pour calmer cette ardeur de plaisirs que l’archevêque de Paris jugeait un peu excessive et qu’il censurait de loin.

Il en fut de même, au moins pendant les premiers temps, pour cet autre divertissement favori de la duchesse de Bourgogne, le théâtre. Bien que le duc de Bourgogne eût toujours évité d’y assister le dimanche, cependant il était fidèle aux représentations que les comédiens ordinaires du Roi venaient donner à Fontainebleau. Il n’était point scandalisé de voir représenter le Tartuffe. Sa prédilection le portait cependant ailleurs. « M. le duc de Bourgogne va tous les soirs à la musique, écrit Dangeau, pendant un séjour à Marly, et il paraît aimer ce plaisir-là[1]. » Il accompagnait volontiers Monseigneur à l’Opéra, que celui-ci fréquentait assidûment. Bientôt même, il prit un maître de musique. Ce fut un certain Matho, « qui était, au dire de Sourches, l’un des plus habiles chantres de la chapelle du Roi, » et auquel il fit attribuer une pension de mille francs. Il mit à ces leçons beaucoup d’ardeur, et, comme il avait la voix juste et qu’il aimait à chanter, la fantaisie lui vint de jouer un rôle dans un opéra, tout comme la fantaisie était venue à la duchesse de Bourgogne de jouer un rôle dans une comédie. Comme à la duchesse de Bourgogne également, une complaisance peut-être un peu intéressée lui facilita ce plaisir. La princesse de Conti, la très séduisante fille de Mlle de la Vallière, avait été, pendant les années qui précédèrent l’arrivée de la duchesse de Bourgogne, un peu la reine de la Cour, par sa beauté, sa bonne grâce et l’empire qu’elle exerçait sur Monseigneur. Voulut-elle prendre sur le fils l’empire qu’elle avait toujours sur le père? Cela est possible. « Mme la princesse de Conti, dit Dangeau, qui ne fait cela que pour divertir Mgr le duc de Bourgogne, a fait faire dans sa galerie un théâtre avec de belles décorations qui même changeront, et il lui en coûtera

  1. Dangeau, t. VII, p. 224.