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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/258

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II

Une vertu si rare, dont aucun prince n’avait donné l’exemple à la Cour depuis Louis XIII, une surveillance si exacte sur soi-même, une application si constante à tous ses devoirs, une lutte si continuelle contre ses défauts, ou même ses inclinations, ne pouvaient avoir qu’un mobile, le seul qui élève certaines natures au-dessus d’elles-mêmes, et les tire du commun où elles auraient langui pour les porter à un degré supérieur : le sentiment religieux. Le duc de Bourgogne avait toujours été sincèrement pieux. La ferveur avec laquelle il avait fait sa première communion ne s’était jamais ralentie chez lui. Elle s’était exaltée au contraire, et de la piété il avait tourné à la dévotion; les malveillans disaient, nous le verrons tout à l’heure : à la bigoterie. Les exercices religieux occupaient une place de plus en plus grande dans sa vie. Il tenait qu’assister à une messe hâtivement dite dans une chapelle n’était pas une manière suffisante de sanctifier le dimanche. Quand la Cour était à Marly ou à Trianon, il revenait régulièrement à Versailles pour assister aux vêpres et au salut qui se disaient à la paroisse. Jamais il ne chassait le dimanche. Les lectures spirituelles prenaient une grande partie des heures qu’il passait dans son cabinet. Ces lectures étaient du moins des mieux choisies, et n’indiquent aucun penchant à cette mysticité malsaine que Mme Guyon et Fénelon à sa suite avaient un instant mise à la mode. Ses auteurs favoris étaient les Pères de l’Eglise, l’Imitation, saint François de Sales et Bourdaloue. De fréquens et longs entretiens avec son confesseur, auxquels parfois il ne consacrait pas moins de deux heures, occupaient aussi ses momens. Ses communions étaient fréquentes et il les rapprochait d’année en année. Après avoir communié de mois en mois, il communiait de quinze jours en quinze jours, parfois même de huit jours en huit jours, et toujours publiquement, en grand costume de l’ordre du Saint-Esprit, pour faire plus d’honneur au Sacrement dont il s’approchait.

Il existe de lui une prière après la communion, qui est belle, simple, d’un accent profond et qui ne déparerait pas un manuel de piété[1]. Plus curieuses cependant au point de vue de l’état de

  1. Proyart, t. II. p. 273.