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fâché hier au soir de n’avoir point de lettres par l’ordinaire de Franche-Comté qui arriva. Je voudrois que vous m’eussiez vu à souper l’air noir comme la cheminée, parlant tout seul, mon chapeau enfoncé jusqu’aux yeux. Après le premier mouvement qui fut de dépit contre elle, vous auriez bien vu ce que j’avois alors…….

Faistes mes complimens à Madame vostre mère dont j’attends quelque lettre aussi quelque jour, et pour l’autre méchante dont je vous ai parlé, dittes-luy que si doresnavant je ne reçois des lettres plus souvent je romps avec elle et ne luy écris de toute la campagne.

Poscriptum. — J’ai bien peur que ces menaces ne soient perdues, car je serois certainement plus puni qu’elle.


Au camp de Schleittal, le 17 juin 1703.

J’ai enfin reçeu avec grand plaisir, Madame, la lettre que vous m’avez écrite le onze à la suite d’une de votre chère maîtresse qui, par parenthèse, a été douze jours entiers sans m’écrire. Faites-luy-en, je vous prie, des reproches. Je suis ravi qu’elle se conserve, et moyennant cela j’espère que les douttes de M. Bourdelot seront heureusement éclaircis, mais de parler souvent de M. (le) duc de Bourgogne de loin, de sa santé et de n’en point trouver le souvenir insuportable, ne quadre pas avec estre douze jours sans luy écrire et j’en reviens toujours là parce que j’en ai été assez fâché. Je ne ferai pas celle-cy plus longue car j’ai à écrire à cette maligne qui me met le peu de cervelle que j’ai à la mistanfute, et il faut lui réserver toute mon éloquence pour tâcher à luy persuader de m’écrire plus souvent. Je voudrois bien pouvoir me couvrir icy d’assés de lauriers pour les apporter tous à ses pieds à mon retour et qu’ils fussent entassés de telle façon que la mirthe que j’y ai mis jusqu’icy put remonter jusqu’à son cœur. Ne voilà-t-il pas finir par une pensée bien héroïque et digne du stile des romans.

L.


Au camp de Schleittal, le 24 juin 1703.

Cette lettre, Madame, servira de réponse à deux des vostres que j’ai reçeues presque en même temps, qui me font enrager par la description des grâces de votre illustre maîtresse dont je suis éloigné de plus de cent lieues et pour plus de cent ans. Il semble que vous vouliez m’épargner en ne m’en mettant qu’un mot, mais vous sçavez que ma subtile imagination a bientost tout parcouru, sans attendre mon lit qui n’a pas encore manqué de m’en présenter l’agréable image toutes les nuits

Adieu, il faut que j’achève une lettre à la Reine de mes pensées, dittes-luy que je vous ai chargé de sçavoir de sa bouche si elle m’aime et mandez-moy ses propres paroles.