il fallait remplacer Giülay par un général qui y fût décidé . On adopta l’expédient, néfaste partout et indubitablement à la guerre, celui d’un moyen terme. On maintint Giülay en lui envoyant un chef d’état-major, le colonel Kuhn, jeune officier ardent, très capable, partisan du plan offensif, avec mission d’y entraîner son général en chef. Il se produisit ce qui était inévitable : parfois, cédant à la pression de son auxiliaire, Giülay prit un semblant d’offensive, mais, à la première difficulté, rendu à l’impulsion de son naturel, il y renonçait, faisant deux pas en arrière pour réparer le pas en avant. Pendant tout son commandement, il ne cessa d’osciller entre une velléité d’offensive qu’on lui arrachait et la défensive derrière le quadrilatère qui était le fond permanent de sa pensée. De là des ordres, des contre-ordres, des incohérences, des fatigues inutiles et enfin la défaite.
L’armée piémontaise était bien peu de chose en présence de la force imposante des Autrichiens. Commandée par le Roi, assisté ad latus de La Marmora avec Della Rocca comme chef d’état-major général, elle se composait de cinq divisions d’infanterie et d’une de cavalerie, en tout 60 000 combattans au plus. Il y avait, il est vrai, la brigade des chasseurs des Alpes, volontaires de Garibaldi. On avait fait grand fond sur ces volontaires; on supposait qu’au nom magique de Garibaldi, cette Italie qu’on nous représentait comme frémissante d’un bout à l’autre allait jeter en Piémont un nombre d’hommes au moins égal à celui de l’armée régulière, 50 000, d’autres disaient 100 000. Il en vint 3 000 à peine[1] à Garibaldi et 9 000 environ à l’armée régulière. Quoique fort braves, élite dévouée à un chef intrépide, ces volontaires ne pouvaient être que des mouches bourdonnant autour des lions aux prises.
Les forces piémontaises n’étaient pas ramassées. Une division protégeait Gênes et ses débouchés, une autre Alexandrie ; en avant de Turin ne se trouvaient que deux divisions, derrière la Dora Baltea, à peine 30 000 hommes. Canrobert, supposant que l’action diplomatique offensive de l’Autriche allait être suivie d’une action stratégique non moins décidée, voit le péril ; il juge que la ligne de
- ↑ 1861. Discours de Garibaldi.