la Sesia, dans le carré stratégique de Mortara. Dès lors, l’armée française a tout le loisir de se compléter, et notre flanc droit, qui s’avance à pas de tortue, d’arriver en ligne vers Alexandrie. Le 12 mai, l’Empereur débarque à Gênes avec le prince Napoléon au milieu, est-il nécessaire de le dire? d’ovations délirantes.
À Gênes, l’Empereur apprend qu’avant même toute bataille, l’Autriche vient de perdre un des États qui lui sont le plus inféodés, la Toscane.
La France et le Piémont avaient demandé au Grand-Duc de s’allier à eux, lui garantissant dans ce cas la possession de son duché. D’autre part, les constitutionnels, représentés par Neri Corsini, Ubaldino Peruzzi, Salvagnoli, etc., l’assuraient de leur concours dévoué s’il acceptait cette alliance, car tous alors étaient très attachés à l’autonomie toscane. Le Grand-Duc, sur les conseils des ministres d’Autriche et d’Angleterre, refuse de se séparer de ses parens d’Autriche et n’accorde que la neutralité. À cette nouvelle ! 10 000 à 15 000 soldats crient : « Vive l’indépendance! » une foule immense parcourt les rues, la cocarde tricolore à la boutonnière et au chapeau, criant : Viva Vittorio Emmanuele! Les édifices publics et les maisons privées se pavoisent du drapeau national. Le Grand-Duc projette de sévir; les officiers lui déclarent qu’ils ne répondent plus de leurs troupes. Aux abois, il revient aux constitutionnels et leur offre le ministère : ils subordonnent leur concours à l’abdication du Grand-Duc au profit de son fils. Léopold aime mieux s’en aller que d’accepter cette humiliante capitulation. Il se met en route pour Bologne en plein jour, à deux heures de l’après-midi, entouré du corps diplomatique, au milieu d’une foule silencieuse et respectueuse. Au moment de sortir de la ville, il se retourna, et dit du ton d’une douce menace : « A rivederci (au revoir). » À quoi la foule répondit en riant : « In paradiso ! » La révolution était faite, et, comme le dit plaisamment Salvagnoli, « à six heures, elle alla dîner. » Tout ce mouvement avait été combiné d’après les conseils et dans la maison même de Buoncompagni, le ministre piémontais à Florence[1].
Le Grand-Duc parti, on constitua un gouvernement provisoire
- ↑ Lettres de mon père alors à Florence.