à dresser des plans en vue d’hypothèses dépourvues de toutes probabilités. Il persiste à supposer Giülay encore sur la rive droite du Tessin ; il songe à se prémunir contre une attaque venant du carré de Mortara ; et cependant il ne veut pas rester immobile. Alors il adopte à son tour le détestable expédient du moyen terme. Il renonce à sa concentration de marche au moment où elle va devenir le plus nécessaire ; il ne laissera pas son armée entière sur la rive gauche ; il ne la transportera pas sur la rive droite ; il la coupe en deux, la met à cheval sur le fleuve, se croyant ainsi en mesure de repousser l’attaque de quelque côté quelle vienne, se condamnant en réalité à ne lui opposer sur chaque côté qu’une partie de ses forces : ce qui est préparé à deux fins ne vaut en général pour aucune.
En conséquence il décide que, dans la journée du 4, le corps de Baraguay d’Hilliers demeurera sur la rive droite, dans la forte position de la Bicoque, à plus de quinze kilomètres du fleuve ; le corps de Mac-Mahon, grossi des voltigeurs de la Garde, se portera sur Magenta par Turbigo et Buffalora ; il sera suivi et appuyé en réserve par toute l’armée du Roi venant de Lumelogno et de Galliate. Ce devait être le mouvement important de la journée. Pendant qu’il s’opérerait, les grenadiers de la Garde s’empareraient du pont de San Martino établi sur le Tessin, s’y tiendraient en attendant Canrobert et Niel, et tous ensemble iraient rejoindre Mac-Mahon à Magenta, si décidément on ne voyait rien venir du côté du Pô. Ainsi le 4, l’Empereur ne songeait qu’à un passage partiel du Tessin, non à une bataille.
Les dispositions que Giülay prenait le même jour montraient plus de résolution. Tout entier sur la rive gauche, il s’apprêtait à nous disputer par une bataille la possession de la Lombardie. En avant de lui, il avait le Tessin, large, profond, rapide, et, trois kilomètres plus loin, le Naviglio grande, canal de deux mètres environ de profondeur, aux berges hautes par endroits de dix mètres, qui suit le cours du fleuve jusqu’à Abbiategrasso où, faisant un coude, il se dirige vers Milan. De petits canaux, des fossés coupaient le sol environnant ; des arbres, des cultures à haute tige ne permettaient pas d’apercevoir le mouvement des troupes ; on ne s’en rendait compte, et encore imparfaitement, que du haut des clochers.
Giülay, à la nouvelle que les Français ont passé le Tessin à Turbigo, décide de marcher sur eux par Magenta. Il ordonne