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l’éducation en hollande.

C’est parce qu’il s’appuie sur le raisonnement que l’entêtement d’ici se forme peu à peu comme une qualité virile au lieu de s’atténuer comme un défaut enfantin. Le petit Anglais est plus têtu, plus entier que son grand frère ; en Hollande, c’est l’inverse. À mesure qu’ils grandissent et se fortifient, les garçons prennent confiance en leur jugement. L’indépendance qui en résulte sera tempérée par leur respect filial et par l’attachement aux traditions. J’ai indiqué que souvent les carrières étaient héréditaires. Il n’est pas si rare d’entendre un père dire à son fils : « Tu veux devenir naturaliste. Moi, je désire que tu sois jurisconsulte comme moi ; tu dois d’abord faire tes études de droit et tu consacreras le reste de ton temps aux sciences naturelles. » La condition est souscrite et le jeune homme, sans se décourager, mène de front cette double préparation à l’avenir qu’il souhaite et à celui qu’on veut lui imposer. C’est la preuve, désirée par le père, que la vocation est sérieuse. Autre caractéristique nationale : il entreprendra cette tâche considérable sans hâte fébrile et sans se surmener. Le Hollandais prend son temps. Il met constamment en pratique cette parole d’un explorateur africain : « Je veux, disait celui-ci, arriver au lac Tchad, et j’y arriverai, parce que je ne suis point pressé. » N’être pas pressé est une grande force dans la vie.

Ces diverses qualités sont déjà très développées chez le collégien, élève du gymnase et de l’école moyenne. Il vient d’en donner la preuve. Une transformation radicale, dont il a été à la fois l’inspirateur et l’agent, s’est opérée depuis douze ans dans les mœurs scolaires néerlandaises. Les sports s’y sont introduits et ont pris très vite une place prépondérante. J’aurais voulu pouvoir déterminer nettement la genèse de ce mouvement, mais cela paraît impossible ; c’est bien l’œuvre des collégiens, une œuvre anonyme, par conséquent. « Ils se sont organisés eux-mêmes » est la réponse uniforme qu’obtiennent mes questions. Personne ne s’est mis à leur tête, et, comme le pays, d’autre part, n’a éprouvé nulle secousse, son cas se trouve unique dans l’histoire de la renaissance athlétique au XIXe siècle. L’Allemagne après Iéna, les États-Unis après la guerre de Sécession, la France après le désastre de 1870, furent conduits par la leçon brutale des événemens à réaliser la justesse de l’antique adage : civium vires, civitatis vis, la force de la nation est faite des forces de ses enfans. Les exercices physiques, délaissés jusque-là, y reprirent spontanément la place qui leur convenait dans la vie collective et dans