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autre formule : Dieu, le Médiateur et le Monde. Pierre Leroux trouvait la trinité dans la grammaire : le substantif, le verbe, l’adjectif; et dans le temps : le passé, le présent et le futur. Lamennais la trouvait dans la physique : chaleur, lumière, électricité. Pierre Leroux admettait la même thèse pour la physique ; et la plus grande partie de son travail était consacrée à démontrer la doctrine de la trinité par la physique et la chimie. Mais cette dernière partie de la démonstration est tellement confuse que nous renonçons à la comprendre et à l’expliquer. Bornons-nous à rappeler cette conclusion, qui ne parle plus de trinité, mais qui maintient l’idée de l’unité universelle dans les êtres particuliers. « Que les chimistes renoncent donc désormais à généraliser l’être particulier au point de mettre en lui la vie tout entière; ou, ce qui est la même chose, qu’ils renoncent à particulariser l’être universel au point de le supprimer comme être universel. La vie n’est que dans l’union de deux êtres : Dieu et les atomes. »

En résumé, Pierre Leroux a défendu la thèse de l’unité dans l’univers comme celle de l’unité dans l’espèce humaine. L’idée de Dieu est le lien de l’un ; l’humanité est le lien de l’autre. Il faut lui savoir gré d’avoir voulu maintenir l’individualité des êtres particuliers, même sans l’avoir suffisamment démontrée ; et il faut lui accorder que, même dans les doctrines les plus orthodoxes, la thèse de l’ubiquité divine, celle de la création continue, celle de la prémotion physique soutenue par saint Thomas et par Bossuet, rendent très difficile à bien comprendre l’individualité et la réalité positive de l’être fini. Il est facile de séparer les choses, mais il faut les réunir; il est facile de les réunir, mais il faut les distinguer. Le panthéisme lui-même ne rend pas la chose plus claire; car si Dieu est tout, le monde n’est plus rien ; et si le monde est tout, Dieu n’est plus rien. Mysticisme ou athéisme, tels sont les deux partis entre lesquels oscille indéfiniment tout panthéisme; et s’il se tient au milieu, on ne voit pas en quoi il diffère du théisme proprement dit.


II

Indépendamment des deux livres importans que nous avons analysés, la Réfutation de l’Éclectisme et le livre De l’Humanité, Pierre Leroux a composé un grand nombre d’écrits qui se rapportent plus ou moins aux deux livres précédens et qui complètent