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d’Aristote, tu revendiques la perfectibilité de l’esprit humain ; s’il s’agit de Jésus et des Pères de l’Eglise, tu te prosternes, tu adores dans le tremblement. Mais tu as mis la main à la racine de l’arbre, c’en est fait de l’autorité… La science, en tuant la tradition et la cosmogonie antique, arrive à faire une cosmogonie et une tradition nouvelles… Les mêmes raisons que tu as fait prévaloir en physique prévaudront en théologie; le rationalisme envahira tout jusqu’à ce que la doctrine de la perfectibilité grandisse et s’étende à tout. »

Pascal n’est pas le seul au XVIIe siècle qui ait connu et démontré d’une manière irrésistible l’idée du progrès dans les sciences. Malebranche a soutenu la même vérité. « On ne considère pas, dit-il, qu’Aristote, Platon, Epicure, étaient des hommes comme nous, et de plus, qu’au temps où nous sommes, le monde est plus âgé de deux mille ans, qu’il a plus d’expérience, qu’il doit être plus éclairé, et que c’est la vieillesse du monde et l’expérience qui font découvrir la vérité. » Ainsi Malebranche appliquait la même idée non seulement aux sciences, mais à la philosophie. Mais c’est Charles Perrault qui a fait faire à la doctrine un pas considérable et décisif en l’appliquant à la littérature et aux arts. Chemin faisant, et en revenant sur l’histoire de la littérature, Pierre Leroux rencontre des idées qui ont été reprises plus tard avec succès, par exemple celle-ci, que sous le nom de siècle de Louis XIV, on a compris toute une période appartenant à Louis XIII plus particulièrement, et qui contient ce qu’il y a peut-être de plus fort et de plus durable dans la littérature du grand siècle : « C’est, dit-il, de cette fermentation et de ce mélange qu’est sortie l’époque brillante et fondamentale de Richelieu, ce premier XVIIe siècle bien supérieur au XVIIe siècle de Louis XIV, qui comprend presque tous les grands génies que l’on est accoutumé de grouper autour du fier monarque, parce qu’ils ont prolongé leur vieillesse jusque sous son règne; mais ce n’était pas sous lui, c’était bien auparavant qu’ils s’étaient formés; ils s’étaient trempés au milieu des guerres civiles et des révolutions… c’était la guerre, c’était la Ligue, c’était la Fronde, la liberté, la lutte des passions bouillonnantes, des caractères fiers et entreprenans, c’est à cette source que se formèrent tous les grands écrivains de cette première génération du XVIIe siècle. » On reconnaît ici, exprimée en termes formels, la doctrine littéraire dont Victor Cousin s’est fait plus tard le champion; et on aurait pu lui jouer un assez mauvais tour en