Il le fit appeler, lui dit que, s’il avait refusé de le recevoir à Valeggio, c’est qu’il avait cru inutile de discuter, son parti étant irrévocablement pris. Il justifia la paix par des raisons militaires : pour continuer la guerre, il lui aurait fallu 300 000 hommes qu’il n’avait pas. — Cavour ne contredit pas, il présenta seulement quelques observations sur le triste sort des pays abandonnés à leurs anciens souverains. L’Empereur assura qu’il n’autoriserait aucune intervention militaire contre eux, et qu’il plaiderait leur cause au Congrès. Il lui répéta ce qu’il avait déjà déclaré à Victor-Emmanuel, que, l’accroissement de territoire prévu par le traité de décembre 1858 n’ayant pas été obtenu par le Piémont, il renonçait à l’annexion de Nice et de la Savoie.
Les Bolonais et les Toscans, très inquiets, avaient envoyé à Turin savoir de l’Empereur lui-même ce qu’ils avaient à craindre ou à redouter de cette paix dont ils ne mesuraient pas la portée.
Les envoyés toscans, Celestino Bianchi et Montanelli, vinrent au débotté chez Kossuth et l’invitèrent, au nom du gouvernement révolutionnaire toscan, à leur prêter la légion hongroise. Kossuth leur donna les raisons qui ne lui permettaient pas de se rendre à leur désir, et ajouta : « Pourquoi une armée ? vous n’avez pas à craindre d’intervention. — Vous nous en assurez ? interrogea Montanelli. — Moi, mon cher ami, ma promesse ne vous servirait pas à grand’chose ! » Puis, le conduisant auprès de la fenêtre : « Voyez-vous cette lumière au second étage du palais royal ? c’est le cabinet de travail du Roi. Cette lumière signifie que le Roi n’est pas encore couché ; allez-y, faites-lui dire que la Toscane veut lui parler ; il est vrai que minuit est passé ; ne vous en inquiétez pas, le Piémont recevra la Toscane, même après minuit. Dites ceci au Roi : « Sire, Kossuth dit à la Toscane qu’il n’y aura pas d’intervention. Est-ce vrai, oui ou non ? » Montanelli s’élança dehors. Une demi-heure après, il revenait, se jetait au cou de Kossuth : « Pas d’intervention ! le Roi m’a donné sa parole d’honneur. »
Montanelli, le lendemain, reçut la même assurance de l’Empereur : « La restauration du Grand-Duc ne s’opérera point par des soldats autrichiens. Instituez en Toscane un gouvernement provisoire ; demandez par oui ou par non au pays s’il veut de la maison de Lorraine ; si le plébiscite est contraire à la restauration de cette maison, envoyez-le au Congrès ; je vous promets de