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Prends garde ; la mer vaste au bout du fleuve calme
Étend sa verte houle à ses quatre horizons
Et la galère bat de son quadruple scalme
Le flot perfide et vert de l’antique Hellespont.

Crains la mer ! Le soleil est tombé sur la plaine
Parmi le sang du jour et la cendre du soir ;
Grains les dieux ! car je vois, Hélène, Hélène, Hélène,
Ton destin flamboyer au couchant rouge et noir.

Un grand nuage au ciel ouvre ses ailes d’ombre
Comme un funeste cygne éployé lentement
Qui d’un vol fatidique, inexorable et sombre
Grandit, s’étire, monte et plane à l’Occident

Où semble, chaude encore en sa pourpre qui brûle,
Faite d’airain qui fume et de braise qui luit,
Rougeoyer et s’éteindre au fond du crépuscule
Une Ville de feu qui croule dans la nuit.


LE FUSEAU



Hélène, ta journée est belle ; le matin
Fait pâlir lentement la lampe qui s’éteint
À ton chevet nocturne où le pavé sonore
Est froid sous tes pieds nus levés avec l’aurore ;
Et le jour qui revient te rapporte avec lui
Des songes de nouveau pour ta nouvelle nuit ;
Et ces roses d’hier à peine sont fanées
Que déjà d’autres fleurs à leur place sont nées.
Descends ; la source abonde au bassin toujours clair ;
L’ombre plus fraîche a fait le vieux laurier plus vert
Qui se penche sur l’eau somnolente et verdie ;
Va, et donne l’obole au passant qui mendie ;
Ta jeunesse charmante et qui rit en chemin
N’a pas encor besoin de garder en sa main