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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/589

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La demeure est heureuse et l’époux est content,
L’arbre incline les fruits que chaque branche tend,
Et le grenier regorge, et la grange est remplie ;
L’amphore, en la penchant, verse le vin sans lie.
O Reine, et songes-tu, du seuil de ta maison
Si tranquille devant le soir et l’horizon
Qu’il est des seuils prochains où coule et fume encore
Le sang frais ; que des voix sournoises et sonores
Se querellent tout bas et s’insultent tout haut ;
Que la gorge d’un roi saigne sous le couteau ;
Que la haine a serré les poings et tord la bouche
Et dresse une autre reine en un geste farouche
Furieuse et debout encor en son forfait ;
Et qu’Argos se lamente, et s’irrite, et se tait,
Devant l’âtre fatal et cher à l’Erynnie
Où reparaît Oreste et manque Iphigénie ?


LA BARQUE



Le battant refermé de la porte d’airain
Fait vibrer au tombeau l’urne où reste ta cendre,
Hélène, et vers les bords du fleuve souterrain
Ton Ombre maintenant est libre et va descendre.

Comme autrefois, parmi les fleurs des jardins clairs,
Tu marchais en riant à l’aurore naissante
Silencieusement tu passes à travers
La nuit pâle qui mène à la sombre descente.

C’est le royaume obscur et le pays secret,
Et pourtant peu à peu ta mémoire étonnée
Y retrouve au réveil comme un terrestre attrait
Du sol héréditaire où ta vie était née.