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en pierre, de quarante à cinquante centimètres de long, ne renfermant que des os calcinés ; puis, dans l’angle de la cellule à gauche, sous le plafond, un autre sarcophage de mêmes dimensions, mais dont le couvercle portait l’image en pied du défunt, gravée au trait sur un bloc découpé en relief dans l’épaisseur du couvercle et reproduisant les contours du corps.

Le mort est étendu tout de son long, comme sur les pierres tombales du moyen âge. C’est un vieillard à longue barbe, les traits durs, le front dégarni, la lèvre supérieure fortement accentuée ; sa tête, coiffée d’un turban, repose sur deux coussins à glands. Sa main droite est relevée en signe d’adoration ; de la gauche, il tient une cassolette. Il porte sur sa poitrine un pectoral en forme de croix de Malte, dont les pointes remontent jusqu’aux épaules ; une bande, qui part de l’épaule droite et va en s’élargissant jusqu’en bas, broche sur la robe qui retombe sur les pieds en faisant de larges plis. Sur la face verticale du couvercle, derrière la tête, une inscription en beaux caractères puniques porte : Abdmelqart, le Rab.

Tout au fond de la même fosse, une autre chambre funéraire contenait un second sarcophage anthropoïde de mêmes dimensions, d’un style moins archaïque peut-être, mais singulièrement vivant. La pose est la même, mais le corps, au lieu d’être gravé au trait, est sculpté en haut relief sur le couvercle, comme les chevaliers et les grandes dames sur leurs cercueils de pierre. L’expression est calme et recueillie ; la barbe soigneusement frisée de même que les cheveux. Toute la sculpture, qui est un peu molle et ne dénote pas une haute antiquité, est d’une extrême finesse qui permet de saisir tous les détails du costume. Une large bande, sorte d’épitoge rattachée à l’épaule par une agrafe, tombe jusqu’à mi-jambe. Comme sur l’autre sarcophage, la main droite est levée et la gauche tient une cassolette à la hauteur de la poitrine.

On se sent saisi au contact de ces grands morts qui ont peut-être joué un rôle dans les luttes de Carthage avec les Romains, et l’on est tenté de les interroger. Qui étaient-ils ? Etaient-ils tous deux revêtus de la même dignité ? À quelle fonction répondait ce titre de Rab, qui signifie un « prince » ou un « grand ? » Sans doute, il désignait les membres d’un des grands conseils de Carthage, l’un de ces principes qui sont mentionnés à la suite des suffètes sur les inscriptions. La dédicace du temple d’Astarté et Tanit, retrouvée presque en même temps au haut de la falaise qui domine