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s’est faite, que pour les associations professionnelles, s’étant faite, en partie, contre la corporation, et n’imaginant l’association que comme la corporation ressuscitée.

Mais bientôt l’Empire arriva et confondit les unes et les autres dans le triomphant anathème du Code pénal de 1810. Vingt personnes, ne se réunissant pas tous les jours ou à certains jours marqués pour s’occuper d’objets religieux, littéraires, politiques ou autres, — c’est-à-dire de n’importe quoi, — n’étaient point regardées, par condescendance de la loi, comme ébranlant ou menaçant l’État ; mais, dès qu’elles étaient vingt et une, si elles se réunissaient tous les jours, ou à certains jours marqués, pour s’occuper de quoi que ce fût, — elles devenaient des ennemis publics, et l’État s’abattait sur elles de tout son poids. À tout le moins leur fallait-il, pour se former en association, « l’agrément du gouvernement, » qui ne le prodiguait pas, st ne le donnait, plus souvent tacite qu’explicite, que si elles avaient l’heur de lui agréer très fort et sous les conditions qu’il lui plaisait, — la Révolution n’avait même pas banni de la loi cette formule, — qu’il plaisait à l’autorité de leur imposer[1]. Au moindre accroc, dissolution, après amende de seize à deux cents francs[2]. Pour peu qu’il y ait eu ou que l’on ait cru deviner « par discours, exhortations, invocations ou prières, en quelque langue que ce soit, par lecture, affiche, publication ou distribution d’écrits quelconques, quelque provocation à des crimes ou à des délits, — les crimes ou délits politiques sont-ils parmi ces crimes et qu’est-ce qui est ou qu’est-ce qui ne peut pas être un délit politique ? — amende de cent à trois cents francs, avec emprisonnement de trois mois à deux ans contre « les chefs, directeurs et administrateurs, » sans préjudice des peines plus fortes portées « contre les individus personnellement coupables de la provocation. » Ce n’est pas fini : amende de seize à deux cents francs contre quiconque aurait, sans la permission de l’autorité municipale, prêté sa maison ou son appartement « pour la réunion des membres d’une association même autorisée[3]. » Et il n’y a pas à songer, pour éviter des ennuis au brave homme, à réunir l’association, même autorisée, dans la rue, — car toutes les législations sont unanimes à châtier comme la dernière des séditions ces réunions en plein vent et à rompre

  1. Code pénal, art. 291.
  2. Ibid., art. 292.
  3. Ibid., art. 293 et 294.