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étrange la procédure de la Reine et que l’on n’en peut attribuer la cause qu’à lui seul… La Reine n’a que deux moyens de se justifier vers le Roi, ou de venir promptement à la Cour ou, n’y venant point, de publier au dedans et au dehors du royaume le contraire de ce qu’on y fait entendre en son nom… Qu’il appartenoit à l’évêque de Luçon de lui représenter toutes ces choses et lui persuader d’ajouter foi à la parole du sieur de Luynes… » Et alors, faisant le pas décisif et mettant le marché à la main, Luynes ajoute que, « ce faisant, l’évêque de Luçon pourra tout espérer de Sa Majesté, et qu’il n’y a rien de grand qui soit convenable à sa qualité qu’il ne puisse attendre du Roi… Que si les choses allaient autrement qu’on ne désireroit, on lui imputeroit tout, sachant bien la créance que la Reine avoit en lui. »

L’évêque doit être bien satisfait, en lisant cette instruction, que le duc de Montbazon, par une naïveté de commande, lui communique. Enfin, on en parlait, de ce chapeau tant convoité. L’allusion est claire. Cependant, avec des gens comme Luynes, les paroles ne suffisent pas. Il faut quelque chose de plus positif. Et l’évêque pousse encore sa pointe : « Je ne lui fis autre réponse sinon que j’étois assuré qu’en servant la Reine, je ne mériterois jamais que la louange qui est due à ceux qui font leur devoir ; que je ne savois pas si je pourrois me garantir du mal, en bien faisant ; mais que je le pouvois assurer que ses menaces ne me feroient aucune peur et ne produiroient autre effet en moi que de me redoubler le courage de bien faire. »

Luynes, cette fois, est au bout de ses moyens. Il l’écrit, lui-même, dans un langage vulgaire où sa passion perce à chaque ligne : « Je n’ai plus rien à vous mander ; vous avez le fond de mon sac par M. de Blainville ; apportez ce que vous pouvez et devez pour l’accommodement de cette affaire, et que le Diable emporte ceux ou celui qui n’y fera pas ses efforts… Quittons tout prétexte, puisque nos cœurs et nos desseins sont d’égale façon ; j’engage ma vie pour cette vérité… le Roi la confirme ; tout dépend de vous ; car, pour la Reine, nous sommes trop assurés de ses bonnes et saintes intentions, pourvu que ces vérités aillent à ses oreilles. Nous avons, jusqu’à cette heure, cru de vous ce que l’on doit d’un homme de bien. » On avait déjà rappelé à l’évêque qu’on l’avait tiré d’Avignon pour rendre ce genre de services. Rien ne pouvait être plus blessant qu’un tel langage.

Aussi, il ne sort plus de son froid mutisme. À la fin, à bout