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Malheureusement ces conseils n’étaient pas suivis ; et pourtant Luynes, de son côté, malgré le succès des armes royales, ne se montrait pas plus fier et était toujours tout disposé à traiter. Évidemment, il appréhendait que par un triomphe, trop prévu et maintenant trop facile les militaires, et Condé à leur tête, ne s’emparassent de l’esprit du Roi et que Louis XIII lui-même ne prît, à ce jeu, quelque velléité d’indépendance. Aussi Luynes ne sait qu’inventer pour amener la Reine à conclure la paix, avant qu’on en vienne aux dernières extrémités. Il lui fait écrire, par le nonce Bentivoglio, une lettre où il met en jeu l’autorité du Saint-Siège. Les ecclésiastiques ne la quittent pas et s’emploient de leur mieux. Au fur et à mesure que l’armée royale s’avance vers l’Anjou, par la Haute Normandie et le Maine, les pourparlers se poursuivent de plus en plus activement. Les personnages de la plus haute situation, le président Jeannin, le duc de Bellegarde, l’archevêque de Sens sont à Angers et prennent part à tout ; ils mettent un projet d’arrangement sur pied. On n’est plus séparé que par une clause portant sur l’amnistie à accorder à tous les partisans de la Reine-Mère.

Cependant, le Roi, entraîné par ses capitaines et par son succès même, poursuit sa marche vers la Loire, en héros et en pacificateur. Rien ne lui résiste. « Il apprend que Verneuil, Vendôme et Dreux ne sont pas sitôt sommées que rendues. » Le dimanche 2 août, il est au Mans et assiste à la messe et aux vêpres. Il reçoit, dans cette ville, Bassompierre qui arrive à la tête de l’armée improvisée qu’il amène de Champagne, à marches forcées. Le mardi 4, le Roi part de la Suse, à neuf heures et demie, monte à cheval et fait arborer la cornette blanche pour la première fois, — la fameuse cornette que son père avait déployée à Fontaine-Française. C’est ce même jour que, près de la Flèche, dans la plaine du Gros Chasteigner, il fait la montre de l’armée de Bassompierre : « Le Roi se présente à la tête de ses troupes avec un visage qui déroba le cœur de toute son armée. » Bassompierre avait amené huit mille hommes de pied et six cents bons chevaux, sans compter quelques autres compagnies. « Alors les deux armées se sont jointes en un même corps, et le roi fit quatre maréchaux de camp sous Monsieur le Prince général, et Monsieur le Mareschal de Praslin, lieutenant-général, qui furent le marquis de Tresnel, Créqui, Nérestan et moi. » (Bassompierre.)

Voici donc cette belle armée de 12 000 hommes et 1 200 chevaux