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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/752

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principal effort. La manœuvre était habile, puisqu’elle laissait de côté Angers, dont le château eût pu présenter une forte résistance, pour s’en prendre immédiatement au point plus faible qui était, en même temps, le point décisif, c’est-à-dire le Pont qui assurait le passage sur la Loire. Toute l’infanterie fut ramassée en un seul corps de bataille, quatorze bataillons en une seule ligne, les gardes tenant le milieu, Picardie la droite et Champagne la gauche, et l’on s’avança de front, dans la plaine, vers la route fortifiée, en obliquant un peu vers les Ponts-de-Cé.

Les gens de la Reine étaient embarrassés de leur longue levée de terre, qui les protégeait si mal et n’était guère bonne qu’à empêcher leurs mouvemens. Une partie d’entre eux avaient même franchi le retranchement, et ils formaient, en avant, un gros d’infanterie et de cavalerie mêlé, massé dans la plaine, du côté des Ponts-de-Cé. L’infanterie royale marche sur eux, dans la prairie, « à pleine vue et à découvert, » tandis que la cavalerie entrait dans l’eau, pour prendre les Ponts-de-Cé à revers. Les enfans perdus des régimens royaux courent en avant, se coulant par les haies et les fossés. L’attaque fut vive ; une première escarmouche fit tourner bride aux gens de la Reine, qui se replient en grande hâte derrière le retranchement.

À ce moment, un des grands seigneurs du parti et un des chefs de cette armée, le duc de Retz, qui avait sous ses ordres environ 1 500 hommes, entendant parler des négociations qui se poursuivent à Angers, et désireux, peut-être, sur les conseils de son oncle, le cardinal, de se retirer à temps du guêpier, s’écria qu’il en avait assez de s’exposer, si on faisait la paix aux dépens de ceux qui se battaient, et il donna, soudain, à tout son monde, l’ordre de quitter le champ de bataille. Sous le regard surpris des deux armées qui se touchaient presque, on vit alors ses régimens abandonner le retranchement et défiler, tambour battant et enseignes déployées, pour se retirer du combat. Ce départ jeta dans le camp de la Reine un désarroi indescriptible.

Les enfans perdus de l’armée royale en profitèrent pour se précipiter sur le retranchement. Ils l’escaladèrent. Derrière eux, les régimens arrivèrent ; ils s’emparèrent du pont et le traversèrent, pêle-mêle avec les ennemis qui fuyaient devant eux. Cela se fit si vite qu’un soldat du régiment des gardes, Puységur, entra dans le château en même temps que ceux qui s’y réfugiaient. À partir de ce moment, ce ne fut plus qu’une bousculade sanglante,