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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/758

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écu. Ensuite, on n’aperçoit pas pourquoi l’affaire serait mieux jugée la dixième fois que la première. Il faudrait envoyer aux Petites-Maisons le législateur qui n’attacherait pas à la chose jugée définitivement une présomption de vérité.

Mais on ne gouverne pas le monde à coup de syllogismes, et c’est surtout dans la conduite des affaires criminelles que la raison ne doit pas être bannie par le raisonnement. S’il devient évident qu’un innocent a été condamné, la société doit se poser la question suivante : faut-il sacrifier la justice à la chose jugée ? La réponse n’est pas douteuse : la condamnation d’un innocent est un malheur public ; entre ces deux maux : abandonner la chose jugée, maintenir l’erreur judiciaire par respect de la chose jugée, la société doit choisir le moindre et remettre en question l’œuvre du juge pour rétracter, s’il y a lieu, l’erreur du juge. C’est la voix du sens commun et le cri de la conscience universelle. Le principe de la révision, qui tend à réparer une erreur judiciaire commise au fond par un arrêt, même régulier en la forme, doit donc être inscrit dans la législation pénale.

La difficulté consiste à faire la part des deux vérités et des deux nécessités sociales. Un bon législateur, s’il ne doit pas fermer cette voie de recours extraordinaire, ne doit pas non plus provoquer ou encourager les tentatives inconsidérées de révision. Il est très simple d’énoncer cette maxime ; il est malaisé de l’appliquer.


I. — L’ANCIEN RÉGIME

Voltaire a dit, dans son commentaire sur le livre Des Délits et des Peines, de Beccaria : « L’ordonnance criminelle, en plusieurs points, semble n’avoir été dirigée qu’à la perte des accusés. En Angleterre, un simple emprisonnement fait mal à propos est réparé par le ministre qui l’a ordonné ; mais, en France, l’innocent qui a été plongé dans les cachots, qui a été appliqué à la torture, n’a nulle consolation à espérer, nul dommage à répéter contre personne ; il reste flétri pour jamais dans la société. » Certes notre ancienne procédure pénale était fort imparfaite. Mais il y a toujours un grand inconvénient à parler de ce qu’on sait mal. Voltaire paraît avoir ignoré que l’ancien régime admettait avec une grande facilité la révision des procès criminels.

Elle était pratiquée même au moyen âge. Bien plus, dès ces