rappelé cette phrase du réquisitoire prononcé par le procureur général Delangle dans l’affaire Lesurques : « L’autorité du jury, tous les jours attaquée, sur le motif que tous les jours les décisions sont entachées d’erreurs, serait infailliblement ruinée dans l’opinion publique. Il n’y a pas d’institution qui puisse résister à tant d’assauts sans cesse répétés. » Or M. le conseiller Bard constatait, dans son rapport du 27 octobre 1898, que la cour suprême avait déjà dû statuer sur vingt procès de révision depuis la promulgation de la loi de 1895 avant que l’affaire Dreyfus lui fût déférée.
Je ne prétends pas qu’on n’abusera jamais de la législation actuelle. Mais il faut d’abord observer qu’il ne sera pas si facile au condamné de tout remettre en question. Hors des trois cas prévus par l’ancien code, le droit de demander la révision appartient exclusivement, d’après le nouveau texte (art. 444), au ministre de la Justice, qui statue après avoir pris l’avis d’une commission composée des directeurs de son ministère et de trois magistrats de la cour suprême, choisis par elle en dehors de la chambre criminelle. Le ministre ne s’écartera que bien rarement de cet avis : il se gardera d’encourager des tentatives aventureuses ou ridicules et de se prêter à des manœuvres ourdies pour préparer la revanche de l’accusé contre ses juges.
J’approuve M. Ballot-Beaupré d’avoir écrit dans son rapport que la faculté de réviser n’avait pas été suffisamment élargie par la loi de 1867.
La loi nouvelle a du moins un avantage : elle coupe court à des récriminations déraisonnables. Nul ne peut se figurer qu’il soit possible, aujourd’hui, d’ensevelir une réclamation quelconque, sous prétexte d’éviter un scandale. La presse voit tout et devine le reste.
Or les plaignans avaient autrefois beau jeu, quand ils étaient dans leur tort : il leur était si facile de crier qu’ils démontreraient aisément leur innocence, si des lois barbares ne leur fermaient la bouche en limitant les cas de révision ! On a le droit de leur répondre aujourd’hui : les chemins sont ouverts ; qui peut vous arrêter ?
Un poète a dit :
Le crime fait la honte et non pas l’échafaud.
Ce n’est pas la découverte de l’erreur, dis-je à mon tour, qui porte