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Dans son bel ouvrage : la Dépression économique et sociale et la Baisse des Prix (1895), M. Hector Denis démontre, par de patientes recherches, qu’il y a bien, de nos jours, amélioration du salaire, non pas nominal, mais réel, ainsi que du pouvoir d’achat qu’il entraîne et qui a augmenté de 42 pour 100. Pour l’ensemble des ouvriers, le salaire moyen, qui était de 2 fr. 07 en 1845, est de 3 fr. 90 en 1893. Pour l’ensemble des ouvrières, la moyenne des salaires a passé de 1 fr. 02 à 2 fr. 15. Ainsi, le salaire des ouvriers a presque doublé et le salaire des femmes a plus que doublé. M. Neymarck a montré que, dans les grandes compagnies minières, comme celles d’Anzin, Lens, Liège, etc., les sommes payées en salaires aux mineurs sont quatre fois plus élevées que le montant des dividendes payés aux actionnaires. Sur 100 francs de produits nets, la part du travail s’élève à 75 et 80 ; la part du capital est descendue à 25 et 20 francs. Il est impossible que le pouvoir d’achat n’augmente pas en faveur de salaires qui augmentent.

Ce n’est pas tout. A mesure que la rémunération du travail devenait plus abondante, la durée de ce même travail diminuait. Il y a cinquante ans, la journée de travail, dans les usines, dans les manufactures et la plupart des ateliers, était au minimum de douze heures ; les journées de treize et même de quatorze heures n’étaient pas rares. Aujourd’hui, il est assez difficile d’établir une moyenne, parce que la durée effective de la journée de travail varie suivant les régions et suivant l’époque de l’année ; néanmoins la longueur de la journée réelle de travail a été évaluée par les économistes à dix heures et demie, et les deux tiers des journées sont de dix à douze heures. La durée la moins longue s’observe dans les mines, où elle ne dépasse pas huit heures, et la plus longue dans le groupe des industries textiles, surtout dans les petits ateliers.

— Qu’importe, dira-t-on, que les salaires augmentent, si la vie devient plus chère ? — C’est là encore, en effet, un des mauvais côtés de la situation. Mais les statisticiens répondent que la hausse des salaires dépasse de beaucoup celle des denrées et des vêtemens, et que la condition matérielle des travailleurs s’améliore. La surface des terres cultivées s’est élevée de 4 millions d’hectares à 7 millions et le rendement total a plus que doublé ; la consommation en pain s’est élevée de 2 hectolitres à 3 par tête d’habitant. Historiens et économistes[1] font observer que, sous l’Empire

  1. Voir M. Levasseur, la Population, et la conférence de M. Picot intitulée : Sommes-nous en décadence ?