Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/860

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner des règles ni peut-être à les autoriser, elles existent par la force de la coutume, et vivent conformément à leur traditions, bien que quelques-unes aient, m’a-t-on dit, des règlemens écrits et peut-être des archives ; elles trouvent inutile de communiquer les uns ou les autres au public. Celui qui est curieux de se faire une idée de ces corps est donc réduit à démêler leurs principes parmi les exemples de leur action qui parviennent, en petit nombre, à sa connaissance ; sans ignorer ce qu’un semblable procédé a d’insuffisant, je dois donc me borner à donner des exemples et à en tirer des conclusions, forcément un peu vagues et un peu générales.

La corporation fixe pour chaque denrée le prix minimum de vente et veille par des agens secrets à ce qu’aucun magasin ne se contente d’un prix plus bas ; elle arrête ainsi à une certaine limite l’effet de la concurrence et empêche la dépréciation des marchandises, nuisible à toute la corporation. Le public est seul à souffrir de l’existence du minimum, mais il ne paraît pas s’en apercevoir, et le gouvernement n’intervient que pour le prix des grains, en fixant un maximum et vendant au besoin les grains tirés de ses greniers. C’est encore la corporation, pour les banques et les monts-de-piété, qui décide le taux des intérêts à payer ou à recevoir, la nature des garanties ou des monnaies à accepter ; en un mot, elle fixe les règles générales des transactions et défend les intérêts communs de tous les associés. Si l’un d’eux est impliqué dans une affaire judiciaire d’intérêt général, la corporation le soutient de son crédit et de ses fonds. Voici, par exemple, un fait qui se présente assez fréquemment. Un pauvre diable, n’ayant plus rien à mettre au mont-de-piété, se coupe le doigt ou telle autre partie du corps, et vient pour l’engager ; le mont-de-piété refuse le prêt, l’homme se plaint de la dureté des prêteurs, ameute la foule, que la vue du sang excite, une bagarre est imminente où le mont-de-piété risque d’être pillé. L’auteur d’un pareil désordre doit être châtié, toute la corporation soutient celui chez qui le fait s’est passé, et verse cent taëls[1] pour les frais du procès. La corporation prend aussi en main les intérêts lésés de plusieurs associés. En 1883, la corporation des marchands de thé de Han kheou, ayant cru reconnaître des fraudes commises par les agens de certaines maisons étrangères, leur demanda de désigner eux-mêmes un arbitre étranger qui serait

  1. Au change actuel, moins de 100 francs.