Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’âme? Ainsi se posait la question. La solution cessa d’être douteuse, en 1875, du jour où la loge parisienne la Clémente Amitié, ayant admis MM. Littré et Ferry aux honneurs de l’initiation, applaudit vigoureusement et fit reproduire par la presse profane une leçon de philosophie positive que professa devant elle M. Littré, et à laquelle M. Ferry fit adhésion[1]. « Ce grand acte, écrivait Edmond About dans le XIXe Siècle, remue profondément Paris, Versailles et la province[2]. » Le couvent de 1876 prépara sans plus tarder, et le convent de 1877 vota solennellement la disparition de Dieu : c’est M. Desmons, ancien pasteur de l’Eglise évangélique, aujourd’hui sénateur du Gard, qui sut emporter cette grave décision[3]. L’on affecta d’expliquer, d’ailleurs, que la maçonnerie n’entendait point détrôner Dieu, mais permettre aux athées l’accès des loges et garantir, ainsi, une absolue liberté de conscience. Les loges de l’étranger, surtout celles d’Angleterre, ne laissèrent point d’être offusquées; elles exigèrent, parfois, des maçons français qui se présentaient à elles, « une sorte de billet de confession » déiste; et le convent de 1878, à titre de riposte, autorisa le Grand Orient à constituer des ateliers dans les pays étrangers où la « puissance maçonnique régulière » ne serait point « en relations fraternelles avec lui[4]. » Lorsqu’on tint à Paris, en 1889, le Congrès maçonnique international du Centenaire, M. Desmons sentit la nécessité de rassurer ses hôtes du dehors en affirmant avec insistance qu’« il n’est point exact que notre Maçonnerie ait répudié le déisme et l’ait remplacé officiellement par une doctrine nouvelle[5]. »

Mais la lecture des publications maçonniques postérieures à 1877 eût sans doute paru moins rassurante aux maçons exotiques. Ils eussent vu M. Fleury, plus tard membre du Conseil de l’ordre, professant en 1879 à la loge les Philanthropes réunis, balayer, d’un geste implacable, « l’inconnu, le mystérieux, la divinité, avec son cortège de jouissances et de châtimens célestes[6]. » Ils

  1. Initiation des FF. Emile Littré, Jules Ferry, II, Chavée (bibliothèque franc-maçonnique). Paris, au Grand-Orient, 1865.
  2. Le XIXe Siècle, 11 juillet 1875.
  3. Voir C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 467, le compte rendu du banquet Desmons.
  4. B. G. O., Oct. 1878, p. 350-360.
  5. Congrès maç. international du Centenaire; Compte rendu, p. 95-97 el 104-107. Paris, au Grand Orient, 1889.
  6. Fleury, Instruction laïque, gratuite et obligatoire, éducation religieuse, éducation laïque et nationale, p. 60. Impr. Nouvelle, Paris, 1879.