résolue à respecter la complète liberté du conseil de guerre de Rennes, donne acte au gouvernement de sa communication, et passe à l’ordre du jour. » On a demandé au gouvernement son opinion : il a répondu qu’il n’en avait pas, et qu’il avait épuisé son initiative en écrivant la lettre de M. le Garde des sceaux. Il avait en réalité usurpé celle d’un autre. La proposition de M. Pourquery de Boisserin a été votée à une grande majorité. En fait, la Chambre a plutôt ajourné la question des représailles qu’elle ne l’a définitivement tranchée ; mais, après le désarroi produit par l’initiative ministérielle, c’est sans doute tout ce que, pour l’instant, on pouvait obtenir. Il était d’ailleurs nécessaire, quelque opinion que l’on eût sur le fond des choses, d’attendre l’arrêt du conseil de guerre de Rennes avant de prendre une résolution définitive. La Chambre aurait été encore plus sage, — mais il ne faut pas lui demander trop à la fois, — si elle avait également repoussé la proposition qui lui a été faite d’ordonner l’affichage de l’arrêt de cassation. L’affichage est une manifestation coûteuse, dont le moindre défaut est d’être à peu près inutile, personne ne s’avisant aujourd’hui d’aller lire sur un mur un document qui est dans tous les journaux. De plus, l’expérience a prouvé qu’on regrette quelquefois le lendemain un affichage ordonné la veille. C’est peut-être même pour ce dernier motif, et par suite d’un remords dont elle voulait se délivrer, que la Chambre a fait afficher l’arrêt de la Cour. Mais, en se plaçant même à ce point de vue, et si elle éprouvait le besoin de faire afficher quelque chose, n’aurait-elle pas mieux fait d’attendre l’arrêt final du conseil de guerre de Rennes ? Elle a demandé au gouvernement ce qu’il en pensait : il a répondu encore une fois de plus qu’il n’en pensait rien ; et l’affichage a été ordonné.
Y a-t-il un lien intime entre l’arrêt de la Cour de cassation et les incidens qui se sont produits, le 4 juin, au champ de courses d’Auteuil ? Cela est possible : une émotion peut en provoquer une autre, même en dehors de toute logique. Cependant les cris proférés à Auteuil se rattachaient moins à l’affaire Dreyfus qu’à une autre, plus lointaine, au sujet de laquelle M. Loubet a été l’objet d’outrageantes imputations. Elles étaient déjà oubliées et, nous ne doutons pas qu’elles ne le soient de nouveau dans quelques jours. Mais elles avaient été reproduites à la cour d’assises, à l’occasion du procès de M. Paul Déroulède. Nous en demandons pardon à M. Déroulède : nous avons failli oublier son procès. Il aurait eu probablement plus d’éclat dans d’autres circonstances ; l’intérêt en a pâli à côté de celui de Dreyfus. C’est à peine si l’on se souvient que, le jour des obsèques de M. Félix Faure, M. Dé-