Khiva, Nous, parce que, non pas une armée, ni même une colonne, mais une dizaine de Français, accompagnés d’une soixantaine d’indigènes et de moins de trois cents chameaux, ont été tués par trahison, nous abandonnons une œuvre aux immenses perspectives !
Immenses, en effet, en pourraient être les résultats, et l’effort serait modique. Il ne faut pas croire qu’il s’agisse là d’une de ces entreprises colossales qui dévorent d’énormes accumulations de capitaux. Dans les temps où nous vivons, et par rapport aux travaux publics qui se font actuellement ou se projettent sur la surface du globe, le chemin de fer transsaharien serait une œuvre à coup sûr originale, mais relativement modeste. Elle ne demanderait qu’une dépense fort restreinte. Tout d’abord, même au simple point de vue de la longueur kilométrique, le chemin de fer transsaharien serait loin de figurer parmi les lignes ferrées les plus longues du globe. De Biskra au Soudan, jusqu’à Sinder par exemple, qui nous appartient et qui est très légèrement à l’est de Biskra, ou bien encore, si on le préfère, au Kanem, c’est-à-dire à la rive septentrionale du lac Tchad, la distance en ligne droite est d’environ 2 400 à 2 500 kilomètres, mettez de 2 700 à 2800, en supposant des déviations exigées par le relief du terrain sur un ou deux points.
Or, pour tout homme qui se tient un peu au courant du train du monde et dont l’esprit n’est pas enfermé dans nos étroites vallées métropolitaines, un chemin de fer de 2 700 à 2 800 kilomètres ne compte plus aujourd’hui parmi les lignes ferrées de première grandeur. Le chemin de fer transsibérien aura 6 000 kilomètres, le Transcontinental Canadian Pacific en a plus de 5 000, et le Transcontinental Pacific américain presque autant ; voilà donc des chemins de fer qui sont deux fois plus longs, sinon davantage, que la ligne qu’il nous faut construire pour faire un tout de nos tronçons disséminés de l’Afrique du nord et du centre. En Afrique même, dans une contrée très désolée et peu fertile de l’Afrique — pour ne pas parler de l’entreprise, qui n’est encore qu’à l’état de formule et de prospectus, du Cap au Caire — le chemin de fer du Cap au Zambèze, aux trois quarts exécuté et pour le reste en construction, ne le cède pas en longueur au futur Transsaharien,