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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.


Il y a quinze jours, le ministère Dupuy ayant été renversé sans avoir encore été remplacé, il nous paraissait impossible de prévoir quel serait celui du lendemain. Comme nous avions raison ! Il faudrait avoir toute la richesse d’épithètes avec laquelle Mme de Sévigné exprimait la plus profonde surprise, pour faire comprendre par quelle série d’étonnemens nous sommes passés depuis l’ouverture de la crise, et par quel étonnement final elle s’est close pour nous. Qui trompe-t-on ici ? disait tel personnage du Mariage de Figaro, Ce qu’il y a de piquant, c’est qu’on ne trompe personne, excepté peut-être un petit nombre de gens que l’on trompe toujours, et qui se trompent eux-mêmes lorsque personne ne consent à prendre la peine de les tromper. Les acteurs principaux de la comédie à laquelle nous assistons savent parfaitement bien qu’ils jouent un rôle dans lequel il n’y a rien de sérieux, sinon les résultats qu’ils poursuivent, mais qu’assurément ils n’atteindront pas tous à la fois. À la fin de cette aventure, il y aura des dupes : toute la question est de savoir de quel côté elles seront.

À voir l’ardeur inopinée avec laquelle les radicaux et les socialistes soutiennent le cabinet, on peut conclure qu’ils espèrent bien être les dupeurs ; et ils ont malheureusement quelques bonnes raisons de le croire. On leur a fait faire un pas considérable, énorme, dans la voie qui peut, un jour ou l’autre, les amener à être maîtres du gouvernement, et tout cela pour rien, car le péril dont on a tant parlé est imaginaire. Mais, sous prétexte qu’il existait, on a fait servir la concentration républicaine à introduire les socialistes au gouvernement, de