Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA GRANDE MADEMOISELLE

I
L’ENFANCE

Il existe au château de Versailles un portrait en pied de la Grande Mademoiselle, fille de Gaston d’Orléans et nièce de Louis XIII. La princesse est déjà grisonnante ; elle avait quarante-cinq ans. Le peintre l’a représentée en Minerve de ballet mythologique, armée d’un trident et coiffée d’un casque à plumes. Elle a le geste impérieux, la physionomie guerrière, un air de vieille héroïne qui va bien avec les mœurs du temps de sa jeunesse et avec ses exploits d’amazone pendant la Fronde. Il y a de l’harmonie entre cette mine relevée et les aventures de l’illustre fille que l’air du temps, le théâtre de Corneille, et les romans de La Calprenède ou de Scudéry avaient imbue de sentimens trop pompeux. L’artiste avait vu la Grande Mademoiselle telle que nous la voyons nous-mêmes à travers ses Mémoires et ceux de ses contemporains.

La nature l’avait faite pour jouer les déesses en exil, et elle eut la bonne fortune de trouver l’emploi de facultés qui sont plutôt un embarras dans la vie ordinaire. Mademoiselle n’avait eu qu’à se laisser porter par les événemens pour devenir la Minerve de Versailles, très sérieuse sous ses oripeaux, naïvement fière de sa divinité d’emprunt, et elle demeura dans son rôle jusqu’à la