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main des plus grands souverains. « Les fils de France, dit un document de 1649, ont les mêmes officiers que le roi, mais non pas en si grand nombre… Les autres princes en ont selon leurs revenus et le rang qu’ils tiennent dans le royaume[1]. » Le même document nous fournit le détail de la maison d’Anne d’Autriche. En réduisant les chiffres de moitié pour « l’équipage » de Mademoiselle, on reste certainement au-dessous de la vérité. Une cour devait en effet se suffire à elle-même, comme une armée en campagne. La haute domesticité de la reine comprenait plus de cent personnes : maîtres d’hôtel, échansons, tranchans, secrétaires, médecins, chirurgiens, oculistes, musiciens, écuyers, sept aumôniers, neuf chapelains, « son confesseur » et un « confesseur du commun, » quantité d’autres emplois qu’il serait trop long d’énumérer. Au-dessous de ces personnages, qui avaient chacun leurs propres serviteurs, un nombre au moins égal de valets et de filles de chambre assurait le service des appartemens. Les cuisines occupaient « cent cinquante-neuf maistres-queux, hasteurs de rôts, potagers, serts-d’eau, » et autres « officiers de bouche. » Venaient ensuite le personnel des écuries, cinquante « marchands, » et un nombre indéterminé d’artisans, de tous les corps de métier. En tout, de six à sept cents personnes, sans compter les valets des valets et les grandes « charges » telles que le chancelier de la reine, son chevalier d’honneur, ses dames et ses « demoiselles. »

On était souvent mal servi avec ces hordes de domestiques. Nous savons par Mme de Motteville comment étaient nourries les dames d’Anne d’Autriche en 1644, année paisible, où les coffres de la cour étaient encore pleins. La reine soupait seule, conformément à l’étiquette : « Son souper fini, nous en mangions les restes sans ordre ni mesure, nous servant pour tout appareil de sa serviette à laver et du reste de son pain ; et quoique ce repas fût mal ordonné, il n’était point désagréable, par l’avantage de ce qui s’appelle privauté, pour la qualité et le mérite des personnes qui s’y rencontraient quelquefois. » Au reste la plupart des cours gardaient encore des vestiges du moyen âge. Louis XIII avait, ou avait eu, quatre nains, à « trois cents livres tournois par an pour chacun d’eux, » et il payait un homme pour « leur soin et conduite[2]. » Marie de Médicis conserva jusqu’à sa mort,

  1. Estat de la France (Cimber et Danjou).
  2. Extraits des comptes et dépenses du roi pour l’année 1616 (Ibid.).