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choix de documens, et les brochures réunies de temps à autre en volumes : ce sont les ancêtres de nos livres jaunes.

J’en ai un sous les yeux, daté de 1639, et sans nom de libraire ni d’éditeur. Il a pour titre Recueil de diverses pièces pour servir à l’histoire[1]et est consacré pour les trois quarts aux démêlés du roi avec ses proches. Mademoiselle y aurait appris beaucoup de choses dont elle n’a pas l’air de se douter. Peut-être trouvait-elle plus commode de les ignorer. Aucun des siens n’y paraît à son avantage. Louis XIII est invariablement sec et guindé. Il n’y a pas trace d’émotion dans la lettre du 23 février 1631 où il informe les « Parlemens et Gouverneurs des provinces » qu’ayant été mis en demeure de choisir entre sa mère et son ministre, il n’avait pas seulement hésité : « — Et parce qu’on avait aigri la Reine notre très-honorée Dame et Mère, contre notre très cher et bien aimé Cousin le Cardinal de Richelieu, il n’y a instance que nous n’ayons faite, prière ni supplication que nous n’ayons employée, ni considération publique et particulière que nous n’ayons mise en avant pour adoucir son esprit ; notre dit Cousin reconnaissant ce qu’il lui doit par toutes sortes de considérations, a fait tout ce qu’il a pu pour sa satisfaction… la révérence qu’il a pour elle l’a même porté jusqu’à ce point de nous supplier et presser diverses fois de trouver bon qu’il se retirât du maniement de nos affaires. Ce que l’utilité de ses services passés, et l’intérêt de notre autorité, ne nous a pas seulement permis de penser à lui accorder… Et reconnaissant qu’aucuns des auteurs de ces divisions continuaient à les entretenir. Nous n’avons pu éviter d’en éloigner quelques-uns de notre Cour, ni même, quoiqu’avec une indicible peine, de nous séparer pour quelque temps de la Reine, notre très honorée Dame et Mère : pendant lequel puisse son esprit s’adoucir… »

Une autre lettre du roi, à sa mère, est révoltante de dureté. Marie de Médicis lui avait adressé après sa sortie de France des pages très aigres où elle accusait Richelieu d’en avoir voulu à sa vie, et où elle se représentait fuyant devant les soldats de son fils : « Je vous laisse à penser quelle… affliction j’ai reçue… de me voir poursuivie de la cavalerie, dont on me donna avis, pour me presser davantage de sortir votre royaume, et me contraignirent à faire la valeur de trente lieues sans boire ni manger, pour

  1. In-4 de 908 pages.